Alors, le cas Homeland…
Grande série malade, ou petite série fascinante mais frustrante ? A l’aune de ce troisième opus, actuellement diffusé sur Canal+,, il est toujours impossible de trancher un avis définitif. En tous les cas, une oeuvre complexe, aussi agaçante que prenante, qui arrive parfois à se relever quand tout semblait s’effondrer, à l’image de ses personnages fatigants mais attachants.
(ATTENTION : SPOILERS DES DEUX PRECEDENTES SAISONS – merci de noter avant de poursuivre votre lecture)
Pourtant, notre amour pour Homeland avait démarré du type »coup de foudre » quand la saison 1, fulgurante et paranoîaque, venait avantageusement remplacer 24 heures chrono dans le sillage de la série d’action politico-sociale, avec héros calcinés, complot terroriste assez fou, et une mise en scène virtuose qui vibrait au rythme de morceaux jazz sublimes et de cliffhangers addictifs. Puis la saison 2 accusa un fort coup de mou, ne sachant plus trop quoi faire de ses personnages dingues, les laissant un peu hébétés (comme nous) face à un destin improbable, aussi improbable que la série elle-même qui pourtant s’achevait de manière plutôt brillante.
Alors on y croyait… on se demandait où Carrie, agent de la CIA, femme forte, déterminée mais bipolaire, allait terminer après la chute de ses investigations pour innocenter son amour impossible Brody. Ce dernier, un marine ex-otage d’Al-Qaîda mais »enrôlé » pour infiltrer les cellules anti-terroristes américaines que Carrie surveillait jusqu’à l’obsession, était aux abonnés absents depuis qu’il est devenu le principal suspect de l’attaque à la bombe du siège de la CIA (à la fin de la saison 2).
Pour la saison 3, on déchante très vite : maladroit, long à en mourir, rempli de vide et d’ennui, le premier tiers s’enlise dans l’inutile. Nulle trace de Brody, Carrie enfermée pour une convalescence »forcée » suite à ses crises continues, Saul (le directeur de la CIA) tellement opaque qu’il finit par ne plus exister… On est à la limite de refermer avec regret la page »Homeland » quand, dès l’épisode 4, Brody revient, métamorphosé, et Carrie sort de son séjour hospitalier. Et là , les choses peuvent redémarrer… ou presque. Car le terrain brûlé de cette série incendiaire peine à retouver un semblant de cohérence et d’intérêt : les histoires parallèles et secondaires s’accumulent pour rien (la fille de Brody fugue pendant trois épisodes et on s’en cogne complètement) alors que Carrie et Brody évoluent très patiemment, trop longuement. Et toute l’ambition géopolitique US, qui faisait également le sel de la série – notamment les liaisons avec les groupes terroristes tels Al-Qaeda – ne trouve ici aucun écho, à part une vague réminiscence de ce que peuvent être les relations des USA avec l’Iran actuellement.
Par contre, il suffira d’un retournement scénaristique total dans le dernier tiers de la saison, ainsi que des trois derniers épisodes speedés, assez dingues et surtout pleins de ferveur (celle qu’on l’avait connue au début de Homeland…) pour qu’elle décolle enfin et excite à nouveau. Mais c’est un peu tard. Et notre propension à nous attacher à cette saison, au milieu de séries toutes plus passionnantes les unes que les autres en ce moment, devient peau de chagrin, réduite à la politesse de suivre jusqu’au bout une ex-série chérie, par nostalgie de l’avoir vraiment kiffée grave.
Jean-François Lahorgue
Homeland – Saison 3 (12 épisodes)
Série américaine de Howard Gordon pour la chaîne US Showtime,
avec Claire Danes, Damian Lewis
Actuellement diffusée sur Canal +