Le premier tome de la saga nous avait en 2012 intrigué par son découpage triptyque, son ton bien propre et l’amorce de sa réflexion sur le fameux †˜jeune âge.’. Cette véritable trilogie d’apprentissage de Merwan, jolie fresque sur le passage du monde adolescent au monde adulte sait habilement se saisir des codes de la mini-série, et structure une narration travaillée autour de personnages centraux forts et attachants. Sa conclusion, cependant, manquera malheureusement, et de très peu, de nous convaincre. A l’occasion de la sortie de l’ultime chapitre, retour sur les deux derniers épisodes.
Nous retrouvons Violette, Hélène et Lila dans leur colocation parisienne et leurs trois modes de vies très différents à présent entrelacés au quotidien. Hélène, tout d’abord, la scientifique qui tente difficilement de plaire à son directeur de thèse et d’accoucher du parfait papier, se pose des questions quant à un entourage professionnel pédant, intimidant, et qui ne lui ressemble pas. Tiraillée entre le stress suffoquant du rendement et la volonté de réussir auprès d’un homme qu’elle exècre au fond d’elle-même, elle ira finalement refuser le parfait poste pour le confort d’un travail dans un labo plus discret, lui assurant une vie simple auprès de gens bienveillants. Lila, qui porte la casquette de l’angoissée mythomane et de l’amie sincère, refuse toujours de faire confiance aux hommes et de pardonner à sa mère. Elle avancera difficilement au cours de ces deux tomes, pleine de contradictions et sans réelle †˜flamme.’ jusqu’à se confronter à un homme qui saura voir au-delà du mur qu’elle construit autour d’elle. Enfin, Violette, l’électron libre à forte tête, se laissera happer par un amour de passage et y oubliera un peu ses études. Maladroite, fière d’elle-même, et avec un besoin viscéral d’accomplir quelque chose de plus significatif que ce que sa vie parisienne lui offre présentement entreprendra finalement un grand, et très lointain voyage à but caritatif. Rideau. Happy end.
Même si l’on saisit tout à fait là où Merwan nous emmène et ce qu’il nous propose d’explorer à travers ces 3 situations aussi opposées qu’étroites, la direction que prend le scénario dès le deuxième tome ne nous permet plus de suivre l’évolution des personnages de manière crédible. On aimerait voulu prendre plus de temps pour voir ces trois jeunes filles évoluer et on s’attendait aussi à ce qu’on sorte un peu des sentiers battus. La qualité du travail de Merwan est inéluctable lorsqu’il s’agit de, la construction des personnalités de ses trois héroînes : le lecteur connaît très bien Lila, Hélène et Violette, palpables, hautes en couleurs, saisissables et humaines mais il reste à la clôture de la saga quelque chose d’inachevé, de contradictoire face à ce fort travail émotionnel. On aurait voulu qu’elles prennent plus de risques, qu’elles prennent plus le temps de se connaître, qu’elles tâtonnent un peu plus, que le scénario les emmène un peu plus loin, sans retenue aucune. En somme, qu’il y ait un peu plus de †˜feu.’.
On retient tout de même au sein du » Bel Age » de très belles planches et une colorisation pâle réussie, ainsi qu’une aisance très évidente à un découpage cinématique qui marquent l’avènement d’un auteur de talent qui n’a en aucun cas dit son dernier mot.
Fabrice Blanchefort
2 étoiles et demi
Le Bel Age, 3. Départs
Scénario & dessin : Merwan
Éditeur : Dargaud
100 pages- 16,45€¬
Parution: Février 2014