Mais non, Bon Iver n’est pas revenu. In The Silence est la version anglaise du premier album du jeune àsgeir. Mieux qu’un épigone nordique de Justin Vernon, ce jeune islandais a réussi un beau disque de pop folktronica, aux mélodies calmes distillant la lumière. Enjoy This Silence.
Dans la multitude de disques qui animent (pas trop tôt, on dira) ce début d’année 2014, on s’arrête parfois en croyant reconnaître des voix d’artistes connus., « Ah, ça y est, alors, c’est le nouveau Bon Iver ? » serait-on tenté de s’exclamer à l’écoute des premières mesures de l’album In The Silence. Sauf que « tout faux.
La chanson titre, ainsi que ses soeurs, a beau, développer une folk pop intimiste sur laquelle plane une voix haut perchée en apesanteur, avec In The Silence, ce n’est pas à l’américain Justin Vernon que l’on a affaire mais bien à un jeune islandais de 21 ans, le dénommé àsgeir Trausti Einarsson. Troublante confusion qui pourrait être préjudiciable à son auteur en le faisant passer pour une, photocopie locale d’une indie folk à la Bon Iver ou Iron & Wine.
Sauf que ces préventions s’effacent vite devant le talent du jeune homme, la fluidité mélodique de ses ballades et pop songs entêtantes, la modestie et précision de ses arrangements folktronica constituant un séduisant écrin, entre classicisme et modernité, donnant un réel corps à ses compositions. Bénéficiant d’un solide song writing, cette collection de pop songs intimistes et lumineuses est d’ailleurs devenue dans sa version islandaise le disque le plus vendu de l’histoire de la chanson de l’île nordique.
Succès surprise (10 % des islandais l’ont acquis) pour un disque dont rien dans sa conception ne prédisait un tel avenir, Asgeir ayant longtemps hésité entre carrière sportive ou musicale, et dont, peu à l’aise avec les mots, il a laissé son poète de père signer les paroles.
Apparemment classiques et discrètes, les chansons de l’islandais n’en distillent pas moins sur la longueur un, charme magnétique, entre poésie bucolique chantournée à la Iron & Wine (Summer Guest), folktronica catchy évoquant GusGus ou James Yuill (King And Cross) aux accents trip-hop rappelant le suédois Jay-Jay Johanson (Head In The Snow) ou plages d’apaisement mélancolique (la superbe Going Home). Une variété et aisance d’inspiration dont John Grant, récent résident islandais, est devenu admirateur puisque on lui doit cette version anglaise conçue pour élargir le public de ce jeune chanteur timide, mordu de Nirvana et Johnny Cash.
Bercé dans les plis de ce disque-cocon clair-obscur, on partage aussi l’emballement du Grant américain en souhaitant que le reste du monde succombe également à ce silence en pleine lumière. Il serait en effet dommage que les hipsters « indie » européens négligent le disque, en le jugeant trop mainstream, ou que le grand public ait peur de fréquenter ses complaintes intimistes et méditatives.
Ne reste donc plus qu’aux français à prouver qu’ils ont, autant que leurs cousins islandais, des oreilles en bon état de marche. N.’ayez aucune peur du son du silence…
Franck Rousselot