Dans ce recueil de seize textes courts, Véronique Janzyk saisit des instants de vie, des parcelles d’existence, qui illustrent les problèmes sociaux et sociétaux qui affectent l’humanité. Dès la première nouvelle, on comprend que Véronique ne se cantonne pas dans une certitude définitive, dans un monde cartésien, borné, sans surprise, non, elle explore les marges, là où la vie bouge encore, là où réside l’espoir d’un autre monde, d’un monde nouveau débarrassé de toutes les alluvions qui pèsent si lourdement sur la société actuelle.
Elle s’est armée de phrases courtes, rapides, incisives, écrites dans l’urgence sous la pression d’un besoin impérieux de dénoncer ou d’énoncer ce qu’elle ne peut plus accepter, ce qu’elle voudrait, ce qu’elle suggère. Elle trempe sa plume dans toutes les humeurs des corps qu’elle rencontre surtout à l’hôpital : le sang, le sperme, la cyprine, les larmes, le pus, tout ce qui coule et suppure pour écrire des textes charnels où la douleur est concrète, visible, sensible, apparente. Car c’est dans les corps que l’auteure va chercher ses vérités, ce qu’elle veut nous montrer, ce qu’elle veut démontrer : l’identité des corps, leur intégrité, leur état, leur apparence, leur arrogance, leur dégradation, leurs insuffisances, leur décomposition. Le corps c’est l’image de l’humanité, le reflet de tout ce qui est dans l’homme, tout ce qui est tu, caché, le moyen de faire un état de la société et de sa dégénérescence.
Véronique nous montre des corps qui dominent l’esprit, des corps qu’il faut donc développer, renforcer pour ne pas qu’ils se laissent dominer, les corps peuvent aussi être objets de douleur infligée, acceptée, désirée »A travers ces bouts de vie, elle nous montre que la partie animale de l’humain domine l’être, lui impose son mode de vie, sa façon de penser, son comportement. Et, in fine, l’animal homme est peut-être moins sensible, plus cruel, que de nombreux autres êtres du vaste règne animal.
Beaucoup de ces tranches de vie se déroulent dans le milieu hospitalier, dans des centres de soins, presque toujours là où les corps sont en réparation mais ce n’est absolument pas une vision pessimiste du monde, c’est simplement une vision réaliste car il faut bien, pour vivre encore, et vivre mieux, réparer ces corps qui ne sont pas en assez bon état pour que l’humanité vive mieux, bien dans son corps, bien dans sa tête et bien dans son coeur.
Un recueil relativement court qu’il faut lire d’une traite car l’intensité monte crescendo, essouffle, étouffe… . On ne pourrait pas en lire plus et il serait tellement dommage de rompre cette graduation ascensionnelle qui fait, à mon avis, partie intégrante de la lecture.
Denis Billamboz
Les fées penchées
Roman de Véronique Janzyk
Editions Onlit
106 pages – 12 euros
Parution : janvier 2014