[Monnot-Mania] – rencontre avec le romancier Olivier Martinelli

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Cette semaine, j’innove et t.’offre une rencontre avec le romancier-nouvelliste Olivier Martinelli. Un obsédé du rock et de la pop, fan entre autres du Velvet et du regretté Daniel Darc à  qui il a d’ailleurs emprunté le titre de son très beau roman, »La Nuit Ne Dure Pas » paru en 2011 chez 13e Note Éditions. Il est et restera – jusqu’à  nouvel ordre – le seul poulain français de cette écurie fichtrement sauvage. Je suis un peu jaloux.

 » Mon amour la nuit ne dure pas Le soleil rouge rose détruit tout chaque fois  » (Rouge Rose, Daniel Darc)

Olivier se rappelle à  nous en cette fin d’hiver avec la sortie de »Jonas » dans les Hors-Format des éditions E-Fractions, collection dont le but est de publier mensuellement au moins deux textes courts de littérature moderne. En numérique pour la modique somme de 0,99 €¬ et sur papier pour un peu plus cher j’imagine mais »mais »mais »j’en sais rien. Dans tous les cas, une belle initiative pour un genre pas forcément hyper-présent sur le marché du livre français : la  » nouvelle « .

Petite mise en jambe pour Monsieur Martinelli qui reviendra à  l’automne avec un nouveau roman, Une Légende, toujours chez E-Fractions, une histoire de musique et de détermination dont Jonas pourrait quasiment être le teaser – dixit l’auteur. On attend ça avec impatience.

« Jonas » raconte la soirée dingue d’un jeune fan des Cramps collé à  leur bus-tour (une camionnette pourrie en l’occurrence) lors d’une tournée française. Du rock.’n’roll, de la déglingue, des rencontres mais surtout de l’introspection et de la vraie sensibilité. Pendant ces quelques pages, tu redeviens ados si tu l’es plus »et si tu l’es encore »hé bha profite ! C’est ici que réside une des plus belles facettes du talent d’Olivier Martinelli : au travers de cette narration à  la première personne, parlée, pensée presque, sur le fil ténu d’un funambule, il te change toi le lecteur en protagoniste de son récit. Tu te laisses avoir et au final, dans ce train gris du début des années quatre-vingt, c’est toi Jonas qui »

Mais chut »tu liras, tu m’diras.

Tout ça pour dire que je juge utile de te présenter, au détour de ces quelques questions-réponses, le bonhomme que j’ai eu la joie de croiser une ou deux fois sur papier comme dans la vraie vie »tu sais »ce truc étrange où il n’y a pas d’ordi, de tablette ou de téléphone entre les gens.

Je passe sur la prise de contact et les salutations »

Stéphane Monnot : Ton narrateur me fait penser à  Holden Caulfield (Héro de »l’Attrape-Coeurs » de J.D. Salinger). Un peu aussi au batteur des Kid Bombardos dans la deuxième partie de »La Nuit Ne Dure Pas » (le livre est une bio fictive du vrai groupe, dont trois des membres sont les neveux d’Olivier : précision qui sera utile à  la fin de cette interview). Je pourrais même pousser jusqu’au jeune Bandini connaissant ton admiration pour Fante mais je vais en rester à  Salinger. Est-ce que le procédé est conscient, genre clin d’oeil-hommage, ou est-ce que, tout simplement, Holden est l’ado fugueur étalon par excellence et qu’il est incontournable ?

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Olivier Martinelli : Le procédé est inconscient. J’essaie de faire en sorte que le lecteur entre dans la tête de mon personnage (ici Jonas). Et pour atteindre ce but, je ne connais pas de meilleur vecteur que le langage. Mais je suis flatté que tu me parles de Salinger »L’Attrape-Coeurs » fait partie de ces quelques livres qui m’ont appris à  l’adolescence que la lecture n’était pas une punition. Holden Caulfield, c’est d’abord une voix… Si tu entends sa voix à  travers les aventures de Jonas, ça signifie peut-être que ce personnage t’a touché. Et je crois que je n’écris que dans ce but, finalement.

Stéphane Monnot : Le texte est court mais tu parviens à  créer un jeu subtil sur la quête identitaire de tout ce petit monde. Lux Interior (chanteur des Cramps) nous laisse entrevoir sa »lumière » au détour d’un regard à  Poison Ivy (la guitariste), on a tous connu ou été un Rocky, Betty ne s’appelle pas plus Betty que moi Estéban ou Steven. Jonas a raison, c’est à  coup sûr une Séverine ou une Sandrine. Le seul qui s’assume à  peu près c’est lui. C’est un sujet qui te plait les rôles qu’on joue et les contorsions que parfois on s’inflige pour »paraître »? Tu as le droit de répondre que ma question est nulle.

Olivier Martinelli : J’ai envie de te donner la même réponse que celle que Poelvoorde avait donnée à  un journaliste qui lui posait une question très compliquée : »Mon poing dans ta gueule oui ». Bon je déconne. Je réfléchis une petite semaine et je te réponds. Allez, d’ici ce soir, je te réponds. Là  je dois aller faire un foot avec mon fils et ses potes… A très vite !

Stéphane Monnot, : D.’accord. Après je reviens à  des questions moins alambiquées. Imagine feu Lux Interior en talons aiguilles courir derrière un ballon… ça se poserait en contorsion du quotidien ! Bon foot.

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Olivier Martinelli, : Ce que j’aime par-dessus tout, chez un artiste, quel que soit son art, c’est la sincérité »Ces passages où les masques tombent brusquement, où le vernis se craquèle. Ce qui me touche le plus chez les autres, ce sont les moments où les personnages arrêtent de jouer un rôle, laissent apparaître leurs blessures profondes, leurs sentiments les plus intimes. Et j’essaie, à  mon niveau, de provoquer ça chez mes lecteurs. J.’aime bien le style d’un Houellebecq, par exemple. Mais j’ai l’impression que son narrateur porte le même masque du début à  la fin de l’histoire. Et du coup, ça me laisse froid. Quant à  la quête identitaire, c’est, je pense, l’enjeu principal de l’adolescence. Parce qu’il faut plaire aux filles, se faire une place dans le groupe et réussir à  exister sans lui. Je me souviens qu’il m’a fallu longtemps pour trouver une démarche qui ne me paraisse pas ridicule quand je me rendais au lycée. à‡a peut paraître pathétique. Mais je n’ai pas honte de ces petites humiliations de l’enfance et j’aime bien porter sur elles un regard tendre. J.’espère que mes lecteurs le ressentent.

Stéphane Monnot, : Moi je me mouillais les cheveux avant de me coucher afin de me réveiller avec la non-coiffure parfaite pour aller au bahut. Vu d’ici l’adolescence est un mystère. Le point zéro de ta nouvelle, le déclencheur d’écriture ? Et pourquoi les Cramps ?

Olivier Martinelli, : Dans la plupart de mes écrits, ce sont mes premiers mots, les déclencheurs. Ici, c’est l’enchaînement des deux premières phrases.  » Mon prénom, c’est Jonas. Oui, je sais, c’est pourri comme prénom « . à‡a m’a immédiatement donné la direction. Il m’a suffi d’écrire ces deux phrases. Et mon personnage s’est mis à  exister instantanément »à  devenir autonome. Bon, faut pas se leurrer, Jonas, il me ressemble beaucoup. Ensuite, pourquoi les Cramps ? Parce que j’avais envie de confronter ce personnage de gamin timide et mal dans sa peau à  ce qui représentait le mieux, à  mes yeux, la quintessence du rock et de la dépravation.

Stéphane Monnot, : à‡a arrange pas mes affaires… Je pensais que tu étais parti de la chanson »Drug Train » et que tu avais eu la vision de cette grosse baleine grise montée sur rails, que ton Jonas en était ressorti comme craché sur la plage et hop… à‡a amenait super bien la prochaine question que je te pose quand même : le baiser de Betty (d’une femme plus généralement) vaut-il de se faire gober par un gros cétacé métaphorique ?

Olivier Martinelli, : Le baiser d’une femme mérite de prendre tous les risques. Mais en l’occurrence, il n’y a pas que ça qui pousse Jonas à  monter dans ce train. Il y a Betty bien sûr, mais il y aussi la fascination que le groupe exerce sur lui et l’occasion qui lui est donnée, enfin, de braver les interdits »de sortir des rails en quelque sorte. C.’est pas mal, ça, non ? Il monte dans le train pour sortir des rails. Bon, je frime un peu mais c’est pour compenser le fait que je n’avais absolument pas vu la métaphore entre la baleine de Jonas et le train qui l’avale.

Stéphane Monnot, : C’est le côté instinctif du texte court, on en revient au conscient et à  l’inconscient Olivier… Tu l’avais vu mais pas enregistré. Obligé. Quoi qu’il en soit, il y a un truc qui s’appelle le 5+5 chez Benzine… Normalement 5 vieux disques et 5 récents. Là , tous les deux on va tricher un peu : 5 livres + 5 albums importants pour toi.

Olivier Martinelli, : Livres : 1-Rêves De Bunker Hill (John Fante) et 2-l’Attrape-Coeurs (JD Salinger), les premiers romans qui m’ont donné envie de lire et d’écrire »Des auteurs que je relis souvent pour me ressourcer. 3-Le Voyage Au Bout De La Nuit (Céline) qui m’a vengé d’un coup de tous les Grands Classiques avec lesquels on nous a assommés au lycée. 4-Vous Aurez De Mes Nouvelles (Jean-Paul Dubois), un recueil de nouvelles hyper émouvantes. Fante et Salinger m’ont donné envie d’écrire des romans. Dubois m’a poussé à  écrire des nouvelles. 5-Le Monde A l’Endroit (Ron Rash). J.’ai beaucoup d’admiration, actuellement, pour deux américains au style imparable : Ron Rash et Donald Ray Pollock. Il faut bien en choisir un. Alors Ron Rash, légèrement plus optimiste, peut-être.

Disques : 1-Darklands (The Jesus and Mary Chain) : Les premiers accords de ce disque ont agi sur moi comme une déflagration. C.’est le disque à  partir duquel s’est construite toute ma discographie »Celui qui a relégué au garage mes vinyles de hard, de rock progressif et de guitar heros. 2- » l’album à  la banane  » (The Velvet Underground and Nico) : Les Jesus and Mary Chain m’ont fait remonter au Velvet. Le Velvet Underground, c’est la source. 3-Voilà  Les Anges (Gamine) : Les anglais croyaient dominer le monde de la pop à  guitares. Gamine a débarqué et leur a mis une sacrée branlée. 4-Turning Wrong (Kid Bombardos) : J.’ai tellement écrit déjà  sur ce groupe. Alors je vais faire bref. Kid Bombardos, meilleur groupe de sa génération. Et pour ceux qui doutent de mon objectivité, sachez que je vous emmerde. 5-Love Bikes (Kid Pharaon) : Je pourrais citer les Strokes, les Tindersticks, les Smiths, Bill Callahan, Superflu, les Pixies, Daho »Mais non. Kid Pharaon. 3ème groupe bordelais de ma liste. Bordeaux, capitale du rock »Et la relève est là , partout qui électrise les caves.

Voilà , j’espère que c’est pas trop long comme réponse. Tu me diras…

Stéphane Monnot, : C’est parfait. Et puis pas de montage, un joli copier-coller, une relecture, une intro de présentation et bing : interview vérité comme si on buvait une bière à  la terrasse du café George Brassens à  Sète. Je te remercie sincèrement pour cet échange très sympathique. Passe le bonjour aux Kid Bombardos qui assurent effectivement beaucoup et à  très bientôt !

Petite bibliographie incomplète :

-La Nuit Ne Dure Pas, 2011, 13e Note – Prix des lecteurs – Deauville 2012. -Tapage Nocturne, 2011, et Temps Additionnel, 2012, éditions Antidata, recueils collectifs. -Nevermind – 13 histoires grunge » 2013, Buchet Chastel, recueils collectif. -Une légende » : roman à  paraître en septembre 2014 chez E-Fractions.

Pour se procurer Jonas c’est ici pour l’instant et bientôt en librairie : http://e-fractionsdiffusion.com/librairie/jonas/

La semaine prochaine, retour à  l’actualité musicale avec une petite pépite qui me donne envie de brandir bien haut l’étendard de mes 12.5% de sang belge !

jonas