Le Ministricule – Bruno Adrie

Le minuscule - Bruno Adriel’ouvrage de Bruno Adrie nous plonge dans un univers grotesque et démesuré qui paraît pousser à  l’extrême les vices de notre temps. Le personnage du Ministricule est, comme son nom l’indique, une sorte de ministre, qui agit, semble-t-il, bien plus pour la banque que pour le peuple. C.’est à  travers son regard acéré que l’on découvre les méandres d’un pouvoir cynique et calculateur, dont le but est tout simplement de rester en place, fût-ce dans l’ombre. Les médias participent à  cette mascarade collective, en organisant, par exemple, de faux débats entre un  » philosophe  » et un  » écrivain nihiliste  » ; libre au lecteur de faire les transpositions qui s’imposent. Les grandes décisions se prennent dans les salons feutrés des hôtels de luxe, où l’esthète qu’est Le Ministricule semble parfaitement à  son aise.

Néanmoins, on est loin d’être face à  un ennuyeux roman à  thèse. l’écriture de Bruno Adrie saisit le lecteur quand il s’y attend le moins pour lui offrir des moments de véritable poésie. Certains passages peuvent évoquer la prose célinienne, capable d’élévations poétiques dans les contextes les plus inattendus, tandis que les grossiers dirigeants qui s’empiffrent de porc à  défaut de coeur d’agneau ne sont pas sans rappeler les personnages de Rabelais. On ne saurait cependant manquer de remarquer l’originalité de l’œuvre de Bruno Adrie : sa forme et sa construction sont tout à  fait inédites. Chaque  » tableau  » (à  défaut d’un meilleur terme) peut se lire individuellement, mais l’ensemble de l’oeuvre a une cohérence globale qui lui donne un air de polyptyque, pour filer la métaphore picturale. La chronologie reste floue, mais l’oeuvre monte néanmoins en intensité et se termine en apothéose sur un rêve halluciné qui laisse le lecteur libre de décider si cette hypothèse folle est valable ou non. Rien de dogmatique en effet : le pouvoir n’est pas montré, il est interrogé. Les puissants ont des failles et peuvent tomber, et la résistance est possible. Si le constat de départ est alarmant, l’oeuvre regorge d’une énergie vitale extraordinaire qui redonne foi dans la force de la littérature.

Il ne manque qu’une chose à  cet ouvrage pour qu’il atteigne la place qui lui revient dans le monde littéraire : un éditeur. l’auteur est pour l’instant contraint de l’auto-éditer, ainsi que son recueil de nouvelles Sous ton nom, Liberté, j’écris mon nom, deux ouvrages qui, à  mon sens, méritent de se hisser au rang d’oeuvres majeures de notre temps.

Clara Piraud

Extrait :
Voici la presse, ce redoutable contre-pouvoir à  l’indépendance criée sur tous les toits, la presse garante des libertés »et de la démocratie »Ah, ah !…  » Lisez la presse, apprenez ce qui se passe, confrontez les avis, forgez-vous une opinion !  » Le Ministricule retient un spasme et sourit intérieurement devant ce credo qu’on donne à  mâcher aux écoliers de son pays. Pour en faire quoi ? Des citoyens ? Woyons ! La démocratie est une viande imprégnée de bromure que l’on donne aux chiots pour que, devenus chiens, ils obéissent et oublient de tirer sur leurs chaînes. Il sourit le Ministricule, content de sa trouvaille, devant le journaliste qui attend le signal.

Le Ministricule, Roman français de Bruno Adrie
Auto-édité
Parution : septembre 2013
Prix : 10 euros

À ce jour, Bruno Adrie a auto-édité trois ouvrages : Sous ton nom, Liberté, j’écris mon nom, Le Ministricule et Cosmic Business (à venir prochainement), et il publie régulièrement des textes inédits sur son blog. »