Suivre Jean- Sébastien Nouveau va s’avérer difficile. Sous le nom de Les Marquises,, l »homme avait sorti Lost, Lost, Lost, un premier album qui finalement ne perdait pas trop l’auditeur, si tant est qu’il ait connu son projet précédent, Immune. Le Lyonnais y retranscrivait, dans un art de l’épure, recherche sonore et de l’expérimentation mélancolique, une dualité, chère à Robert Wyatt, Notwist ou, Hood. Illico presto, car totalement à l’aise dans cette niche, le Lyonnais était devenu un de nos favoris. Au-delà de son talent personnel, Nouveau a aussi pour lui de savoir bien s’entourer avec entre autres :, Etienne Jaumet (Zombie Zombie) au sax, Benoit Burello (Bed) au chant, Nicolas Laureau (Don Nino, NLF3) aux claviers ou encore Martin Duru (Immune, Colo Colo) à la basse et aux claviers. Autant dire que l’on était plus qu’impatient de découvrir les nouvelles aventures de ces fameuses Marquises.
De prime abord, Pensée Magique ne va pas manquer de surprendre, voire de perturber et de perdre l’ auditeurs. Qu’ils soient fans de Lost, Lost, Lost ou totalement vierges de la musique du projet. Le disque se doit d’être d’abord d’être bien écouté, apprivoisé, digéré. C’est un disque à maturation lente, aux ingrédients épicées. Ce deuxième opus est luxuriant, touffu, rempli de sonorités, d’ambiances, d’instruments…un vrai voyage dans la jungle bien loin du spleen anglophile initial. Pourtant Sur Lost, Lost, Lost,, un morceau appartenait déjà à cette mouvance : avec le recul, Comme nous brulons annonçait totalement Pensée Magique et l’évolution de son auteur. Allant plus loin, ce nouvel album peut être perçu négatif du premier : le rapport de force s’est inversé. Seulement deux titres évoquent, l’univers initial – Hood-ien – de Nouveau (Jennie Magic’ cast on et Nights Falls on the dale). Dans la majorité du disque, Jean-Sébastien Nouveau aura mis en musique les références cinématographiques à l’origine même du disque : Aguirre ou la Colère de Dieu et Fitzcarraldo de Werner Herzog, Les maîtres fous de Jean Rouch. Et c’est vrai que l’on croit retrouver l’Amazonie de l’Allemand (In the forest ressemble à la bande-son, ni plus ni moins, d’une forêt équatoriale) ou l’Afrique décrite par le cinéaste ethnologue français dans Pensée Magique. Il y a là tribalisme et opulence, magie et primitivisme, le tout engoncé dans une nature XXL. Comme dans les musiques primitives, les vibrations sont permanentes, et rythme la musique, (Chasing the hunter, longue fuite en avant dans la forêt sous emprise shamanique). Cela donne le ton général du disque.
Pourtant, les références d’avant, sont bien là : la ligne de chant, pourrait appartenir à Dominique A.( les maitres fous) ; les sonorités analogiques de synthés côtoient les percussions ; il y a même des cuivres qui se délectent d’accords jazz (The Visitor, magnifique comme du Nils Petter Moelver). Avec Pensée Magique, Jean-Sébastien Nouveau s’aventure au-delà de ses territoires connus, il explore au-delà de sa géographie personnelle et dépasse même les territoires qu’il s’était fixés au départ (Afrique et Amérique du Sud) : dans ses sonorités, Cassette nous amène vers l’Inde et le Pakistan. En cela, Pensée magique est le vrai disque d’un artiste qui prend des risques avec lui-même et essaye de se dépasser littéralement. Et c’est réussi : rares seront les albums de 2014 aussi envoutants que celui-ci.
Denis Zorgniotti
Date de sortie : 17 février 2014
Label / Distributeur : Ici d’Ailleurs / differ-ant