Hasard des promos croisées entre pays et tournées je viens seulement de mettre la main sur le troisième album des Brainois (désormais en partie néo-Ardennais) Girls in Hawaii.
Le groupe des anciens de l’IHECS à Bruxelles, s’était mis en veille ces deux dernières années. Et toute son actualité tenait en le message de condoléances diffusé sur le web et les réseaux sociaux suite au décès inopiné de Denis Wielemans, (batteur et frère d’Antoine, le guitariste du groupe), un soir de retour de concert. Saloperie de destin.
Comment continuer quand une des pierres angulaires de la formation disparaît? Quand on perd un ami et un frère? Cette question plusieurs groupes ont eu à se la poser avant GIH, de Joy Division aux Charlatans en passant par Manic Street Preachers. Il semble que l’écriture et le souffle de vie des survivants possèdent des vertus cathartiques qui aident à panser les plaies même si elles ne camouflent jamais entièrement les cicatrices.
Et voici le troisième album de GIH. Celui d’après, donc. Je me sais suffisamment morbide pour chercher des traces de douleur et de deuil dans l’histoire des hommes derrière les albums. Je sais que toi aussi lecteur tu sais tout des destins brisés de Nick Drake, Nico, Jeff Buckley, Ian Curtis, ou même… Bertrand Cantat.
Pourtant, dans le cas d’Everest, force est d’avouer qu’on ne s’y trompe pas. Le deuil et l’absence sont une des composantes du disque, des compositions. Le deuil est une couleur grise qui étrangement ne misérabilise pas ses auteurs. Au contraire, comme chez Sophia par exemple, le manque, le vide, le souvenir, le hasard d’être resté soi même en vie sont autant de moteurs qui invitent à aller de l’avant. Un avant incertain, mélancolique, mais pas dépressif. Un avenir constructif.
Car contrairement à ce que je peux laisser penser, Everest n’est aucunemen claustrophobe, ni nombriliste, ni prostré. Il est beaucoup question de paysages et de montagnes qu’on gravit, dans Everest. Il y a cette force brute qu’évoque les pics, ces douleurs de disparitions précoces et violentes… Mais les pics sont aussi de challenges à relever, de promesses de dépassements physiques et de beauté quand le ciel rencontre la terre. A ce titre est-il vraiment un hasard qu’un des titres les plus »entrainants » soit aussi celui qui s’intitule Not dead
Musicalement Everest ne se donne pas à la première écoute. GIH s’éloigne un peu plus encore de la pop bruitiste des débuts. Les atmosphères prennent le temps de l’installation, de l’arrangement, où la guitare continue de se tailler la part du lion.
Sans être un »super grand » album, de ceux que les fans de la première heure pop continuent sans doute d’espérer, Everest est très bien torché et sa mise en son est millimétrique. Sans que j’arrive déjà à trancher s’il s’agit là d’une force ou d’un défaut majeur, Everest me rappelle les premiers Grandaddy et les longues plages atmosphériques du deserter’song de Mercury Rev. Il y a des trouvailles mélodiques, mêlées de grands espaces un peu tristes, forcément mélancoliques, mais jamais déprimants. Il manque sans doute de plus de ces refrains un peu immédiats, à la Not dead, qui même si ils rappellent un peu trop les premiers dEUS, permettraient d’aller tâter les baladeurs MP3 friands de chansons consommées en dehors de tout album. Mais l’album, justement, dans sa construction et sa longueur en bouche ou en oreille en fait, tire globalement son épingle du jeu.
Everest fait le job. Il fait le pari de proposer un album d' »après » qui n’oublie pas ce qui en est la cause, sans jamais plomber l’auditeur. Le décès est dans toutes les mémoires, dans toutes les paroles et jusque dans l’esthétique générale du disque à la pochette aussi foncée que ses ambiances. Il reste pourtant plaisant à écouter, ample, ouvert comme un espace à conquérir, comme un sommet qui ne se donnerait qu’à quelques aventuriers plus robustes, plus forts, quitte à tuer ceux qui ont brûlé leur corps et leurs dernières forces à essayer de l’escalader… Oh wait mais justement…
Tracklist
Date de sortie: septembre 2013
Label: Strictly Confidential / 62TV / Naîve
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Magnifique chronique!