C’est donc LA série que ne veut pas rater Barack Obama, en précisant sur son compte Twitter de ne pas lui »spoiler » (dévoiler l’intrigue ou un final) ce qui se passe dans House Of Cards. Casting luxueux, idée et réalisation initiale du très estimé David Fincher, les rouages du haut pouvoir américain en fond palpitant de décor, et une production entièrement sur le web, Netflix, qui révolutionne l’idée de diffusion de séries ailleurs que sur les chaînes TV : tout fait de ce »château de cartes » US un buzz, ou du moins le truc à voir depuis un an. Même si cette saison 2 s’avère un tantinet molle, force est de constater que le pari est réussi, et ce pour plusieurs raisons.
Adapté d’un homologue britannique plus vieux de quelques années mais ramassé sur quelques épisodes denses et brutaux, House of Cards narre l’ascension perverse mais inéluctable d’un »Bel-Ami à la Maison Blanche » soit Frank Underwood, membre du Congrès américain sous l’aile démocrate, et mettant tout en oeuvre pour devenir l’un des plus hauts responsables du pouvoir américain, après qu’un relatif échec à une élection l’empêche d’accéder aux côtés du président Walker. La saison 1, étalée sur 13 épisodes, nous fait nous passionner pour ce Machiavel moderne qui usera de tous les rouages malins pour écarter ses adversaires, ses ennemis ou même ses proches afin d’accéder à ses ambitions politiques. Quitte à tuer, quitte à être maudit. Un personnage antipathique, mais, à l’image de Dexter ou Walter White, qu’on adorera détester ou qu’on détestera adorer.
Sans trop dévoiler la saison 2, actuellement diffusée sur Canal +, on peut dire que Underwood reste le type même de salaud intelligent qui, en plus, fait prendre partie son public en s’adressant parfois à nous, face caméra, comme si la scène s’arrêtait soudain, pour nous demander notre avis : idée assez brillante au départ, un peu lassante à force. Tout comme certaines intrigues très politiques, concernant des affaires intérieures, le lobbying grosses entreprises / gouvernement qui, si elles ne sont pas inintéressantes, n’en demeurent pas moins complexes et parfois confuses. C’est d’ailleurs un des gros reproches adressés ici et là à cette deuxième saison plus calme (molle ?) que la précédente.
Je ne dirais pas ça : elle est surtout plus insidieuse, car Underwood n’est plus aux franges du pouvoir suprême sur cette saison 2, il y est en plein dedans, le nez dans les plus hautes sphères des décisions importantes et au coeur des affaires internationales. Un enjeu de taille pour lui, minutieusement décortiqué (parfois jusqu’à une lenteur ennuyante) mais qui s’avère primordial et surtout extrêmement riche pour un final explosif. Autre clé importante qui fait de cette nouvelle saison, pour moi, une belle réussite : la femme de Frank Underwood, Claire. Statue gracieuse, ultra-féminine et très froide en même temps, elle incarnait l’an passé le regard féminin dans l’acceptation un peu soumise des manipulations de son mari, qui la faisait vaciller sur le final quant à son amour pour celui qui partageait sa vie sans enfants. Son rôle est désormais extrêmement étoffé, et elle devient une vraie complice de Frank dans une perversité commune qui effraie – et excite aussi. Il convient ici de souligner les formidables acteurs qui forment ce couple étonnant, Kevin Spacey donc, mais surtout Robin Wright, actrice sublime qui trouve enfin, dans une maturité physique assumée et un personnage opaque et dangereux, un rôle à la mesure de son talent. Le reste du casting est d’ailleurs imparable, dans une mise en scène sobre et classique, qui permet aux rôles-pions d’évoluer doucement mais pernicieusement.
Obama se reconnaîtrait-il dans les traits de Frank Underwood ? Des frissons me parcourent le dos… Frissonnez, vous aussi, d’une délectable perversion.
Jean-François Lahorgue
House of cards, série américaine (Netflix)
2 saisons (2012-2013 : 13 épisodes ; 2013-21014 : 13 épisodes)
Actuellement diffusée sur Canal+ les jeudis soir.