Tenter de dresser un portrait honnête et bien mesuré de l’homme Bukowski est une affaire inéluctablement délicate à laquelle Flavio Montelli, pour son premier roman graphique, a tenté de s’attacher. En 160 pages seulement, ce jeune auteur italien nous propose une introduction à l’homme derrière »Le Journal D.’un Vieux Dégueulasse ».
La vie de l’écrivain de la controverse qui n’aura eu de cesse de choquer par son aspect décadent généreusement narré dans son écriture n’a rien de romanesque en soi : son penchant pour l’alcool et ses frasques et caractère incontrôlables lui auront gagné bien des ennemis mais il laisse néanmoins une empreinte considérable derrière lui, et une oeuvre installée confortablement au panthéon de la littérature américaine qu’il s’agirait en 2014 de revisiter à l’occasion de l’anniversaire de sa mort.
Pour tout amateur du génie déluré de Bukowski, cette BD laissera malheureusement sur sa faim. Il y manque cruellement de profondeur, de recherche psychologique. Ce Bukowski nous laisse un peu froid, et il en va aussi bien du scénario tout en langueur et platitude, que du dessin et du découpage scénique, un peu trop statique, et trop classique à bien des moments. On s’attendait à des explosions sur les pages, des rouges vifs, d’épais traits noirs un peu fous, ou encore des feux de Bengale ! Il n’y aura rien de tout cela ici.
Les frasques, finalement, Flavio Montelli n’en parle que peu. Il ressort de son personnage Bukowski un côté timoré, pâle, presque comme si une timidité présidait à cette dépeinte de l’auteur. Montelli a également choisi de concentrer sa biographie sur une période très courte, finalement, de la vie de Bukowski : ses 50 ans, lorsqu’il décide de se consacrer uniquement à son art et de quitter son emploi au bureau de poste. Les flashbacks, plus nombreux en deuxième partie du livre, ne seront pas assez pour nous en donner suffisamment sur Bukowski.
Il nous est principalement décrit dans sa relation aux femmes, et ce, dès l’ouverture du livre : †˜J.’avais 50 ans et cela faisait 4 ans que je n’avais pas couché avec une gonzesse. J.’avais pas de copines..’ On y rencontre tour à tour Diana, Jane, et Linda, sans en ressortir plus satisfait d’avoir partagé un réel moment dans la vie sentimentale de l’auteur, sans en avoir appris plus. Peut-être le travail de Montelli manque-t-il de longueur, ou bien en présume trop sur la connaissance du lecteur de la vie de l’auteur.
En bref, on en retient un intéressant essai de mettre la vie de Bukowski en images mais on en restera pour l’instant à la poésie de l’homme pour le célébrer cette année, plus colorée, imagée, parsemée de mots gras et surtout, vive, brûlante, incandescente d’intensité.
Fabrice Blanchefort
Goodbye Bukowski
Scénario & dessin : Flavio Montelli
Éditeur : Casterman – Écritures
160 pages- 15,00€¬
Parution: Janvier 2014