Après les chouettes (Owls) il y a deux semaines, c’est au tour des poissons-chats (Catfish) de remuer la vase de mon intérêt. » Le printemps qui refleurit fait transpirer le macadam » et éveille en moi un amour inattendu pour la faune et la flore. Qui connait l’auteur de cette citation pourra déterminer les racines d’Amandine Guinchard et Damien Félix, respectivement chanteuse et guitariste de ce duo blues-rock pour être simpliste.
, Il n’est pas quatre heures du matin, tu ne regardes pas » Histoires Naturelles » tu es sur Benzine et, une fois de plus, il est question de Rock.’N.’Roll !
, Brisant la monotonie du chroniqueur de fond, je me suis rendu à la rencontre virtuelle des deux compères. Catfish, c’est une esthétique old-school assumée qui les fait ressembler à Becky Thatcher et Tom Sawyer« ok, mais c’est surtout une originalité dans l’approche du son, une maîtrise technique à couper le souffle tant ces deux-là ont une capacité à jouer de plein d’instruments à la fois comme s’ils étaient affublés de six bras et deux jambes chacun. De vrais poulpes, pour rester dans l’analogie animalière. Voilà douze morceaux drôlement bien ficelés qui vont te balader, certes, dans le delta du Mississipi, mais un peu partout aussi puisque le rock ici décliné reste européen malgré tout. Un beau métisse dans tous les cas ! Je n’arrive pas à dire pourquoi mais la voix puissante, un peu arrogante, d’Amandine me fait penser à celle de P.J. Harvey. Elle pourrait aussi être la fille cachée et pâlichonne d’une diva de la Motown, ça ne choquerait personne. Le vrai exploit de ce disque est de dompter ce chant sauvage sans le museler, et ça, c’est le boulot de Monsieur Damien Félix dont le travail des guitares est juste parfait. Tantôt hyper-saturées, slides, ou piquées toutes simples, le résultat est impeccable. Ecoute le final voix-guitare de » Not Alone » tu comprendras !
, Les ambiances s’enchaînent, tu remues la tête, t.’as envie d’aller te faire baptiser par immersion dans une rivière au bord d’un champ de coton ou de traverser les States à pied comme un journalier pendant la crise de vingt-neuf. Ne t.’inquiète pas tout est normal »c’est le double effet Catfish !
Rencontre avec Amandine qui s’est prêtée au jeu des questions à tiroirs.
Stéphane Monnot : Est-ce que tu peux présenter le groupe, me faire un petit topo sur vous ?
Amandine Guinchard : Catfish, c’est une bestiole à deux têtes qui aime remuer dans les eaux boueuses du Mississippi. La particularité de notre formation vient du fait que nous avons séparé la batterie en deux : Damien joue grosse caisse et charleston, ce qui lui laisse les mains libres pour les guitares, harmonica et autres percussions… De mon côté, je m’occupe du tom basse, de la caisse claire, des cymbales, et parfois de la basse… le tout en chantant !
Notre musique est viscérale et volontairement dépouillée. Nos concerts sont basés sur les émotions et l’énergie que l’on peut échanger avec le public. Nous sommes plutôt fiers de notre tout premier album »Muddy Shivers » qui vient de sortir, car il retranscrit assez fidèlement la dynamique et l’énergie de notre musique et de nos lives.
Stéphane Monnot : C’est bien que tu me parles de concerts parce que justement c’est un des premiers trucs auquel j’ai pensé en vous écoutant. Votre musique est peut-être dépouillée structurellement, mais, niveau instrumentation, elle est super riche et vous n’êtes que deux. Il y a un vrai ciselage des voix (quand c’est pas Damien qui s’y colle, tu doubles ou tu triples, des fois, tu es sur deux pistes frontales comme pour te répondre à toi même), il y a des claviers, des sons partout, les guitares sont léchées et précises. Comment faites-vous sur scène en plus de cette batterie divisée ? Vous utilisez des samples, des boucles de guitares, des gars qui jouent des maracasses et font des choeurs, en cachette derrière les rideaux ? En gros est-ce que vous arrivez à reproduire le son de » Muddy Shivers » ou est-ce qu’au contraire vous différenciez les deux pôles (studio et scène) ? Je ne vous ai pas vu en concert, j’ai du mal à m’imaginer le rendu.
, Amandine Guinchard : Effectivement, nous avons poussé les arrangements un peu plus loin sur certains titres de l’album, mais c’est justement l’intérêt du travail de studio. Sans vouloir vraiment différencier ce travail du travail scénique, car il nous paraissait vraiment important d’être cohérents entre notre son d’album et notre son de scène, certains titres méritaient d’être un peu plus travaillés, de façon à ce que les gens comprennent vraiment où nous voulions en venir. Le studio est vraiment un temps où tu peux laisser libre cours à ton imagination, et te permettre d’ajouter des petites subtilités, que tu ne peux justement pas faire en live. Nos concerts, comme je le disais précédemment, sont basés sur l’énergie que l’on essaie de transmettre au public, mais aussi sur la performance de tout faire sans sampler. Nous tenons à tout jouer devant les yeux des gens. Alors effectivement, cela demande parfois de faire quelques concessions sur des choeurs ou des guitares additionnelles, mais nous faisons d’autres arrangements pour le live qui permettent de ne pas se sentir lésé. Et pour finir, depuis l’album, nous avons ajouté un petit clavier Korg MS20, sur scène qui nous permet d’enrichir encore nos sonorités.
Stéphane Monnot : Comment deux petits français en arrivent à évoluer dans ce style marécageux et les remous des barques de Robert Johnson ou des Black Keys pour taper très large ? Il y a une passion pour la culture US, le blues (-rock) et le gospel même si je prends pour référence » Hold On » que je trouve magnifique ? Et pourquoi cette formation en duo ? Etait-ce pensé à la base (pour des raisons sonores ou scénographique et esthétique, l’image étant particulièrement soignée chez vous – les habits, les instruments – la Gretsh de Damien… whaou !) ou imposé (par manque d’amis partageant vos affinités) ?
, Amandine Guinchard : Je ne sais par où commencer !! Alors allons-y… nos influences… En fait, nous avons été un peu curieux et sommes allés voir d’où venait ce qu’on entendait aujourd’hui. Nous sommes effectivement tombés sur Robert Johnson, Skeap James, Blind Willy Johnson, et cette musique très pure nous a beaucoup parlé. Il y a aussi le travail du son, comme la Gretsh de Damien justement, qui est très coloré US et qui plonge forcément l’auditeur dans un état d’esprit particulier. Quant à nos visuels, ils sont délibérément en cohérence avec notre musique. Il nous paraît important d’avoir un univers bien distinct, une image à défendre ! Cela permet aussi d’avoir un spectacle vraiment complet, autant visuel que sonore, pour une immersion totale dans notre musique. Et en ce qui concerne la formation en duo, ça c’est plus ou moins imposé à nous. Nous avions les mêmes envies musicales, et nous voulions une formule très simple et efficace pour tourner dans les clubs. Finalement, tout est allé assez vite et nous nous sommes retrouvés dans de gros festivals et de très bonnes salles !! L’avantage d’être à deux, c’est que tu dois faire beaucoup moins de compromis dans la composition, l’inconvénient c’est que tu n’as pas droit à l’erreur sur scène, sinon ton collègue se retrouve seul face au public !! Mais de manière générale, c’est plutôt cool d’arriver sur scène à deux pour essayer de faire autant de bruit que cinq personnes !
, Stéphane Monnot : Attention question à double tranchant. 1- Je ne suis pas très calé en anglais… De quoi parlent vos chansons ? 2- Dans votre cas, je trouve que le choix de l’anglais s’impose à cause du style très marqué anglo-saxon mais, dans l’absolu, je pense aussi que ça peut être une solution de facilité parce que faire sonner le français est »compliqué » – autant dans le son que dans le sens. Le texte chez Catfish est-il un simple support pour le chant, est-il une entité »littéraire » à part entière ou les deux… Quelle importance y apportes-tu ? (c’est toi la plume il me semble).
, Amandine Guinchard : Tout d’abord, je suis complètement d’accord sur le fait que l’anglais sonne mieux sur notre style de musique… même si je ne suis pas contre une ballade en français un de ces jours! C’est d’abord pour cette raison que la langue anglaise a été choisie. Ensuite, je suis beaucoup moins d’accord sur le fait que ça soit une solution de facilité : je te mets au défi d’écrire un bon texte en anglais !! Il m’est très important de croire en ce que je raconte et de vivre mes textes, pour les interpréter au mieux et faire comprendre par les émotions ce qui se passe dans nos chansons. Mes textes traitent de sujets qui nous touchent tous, ils peuvent être très métaphoriques et prendre place dans des situations rocambolesques, tout comme ils peuvent être plus autobiographiques. De manière générale, j’écris souvent des pensées/histoires, que je garde sous le coude pour de futures compositions. Sinon, il peut aussi arriver que j’écrive un texte en fonction de l’ambiance du morceau. En effet, je pense que le chant doit être traité comme un instrument, qui doit savoir trouver sa place au sein des autres. Il doit être bien dosé et assez clair en émotions pour faire comprendre à ceux qui comme toi ne comprennent pas la langue de Shakespeare de quoi il retourne !!! (Il doit aussi être assez crédible et poétique pour plaire à nos amis anglophones!! Of course !)
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Stéphane Monnot : Ma petite pique sur la facilité ne s’appliquait nullement à tes textes, votre musique respire l’intégrité… et je ne relèverai pas le défi d’écrire un texte de chanson en anglais. C’est déjà très compliqué en français parce qu’il faut tout doser parfaitement, alors dans la langue de Fitzgerald, Fante, Salinger et Kerouac, n’y pense même pas ! Si je te demandais pour clore cet entretien de me faire un petit top ten desoeuvres US qui vous ont façonnés – musique, littérature, cinéma… tout confondu. Et tiens… est-ce que c’est une destination qui vous fascine, un projet même pourquoi pas (pro ou touristique) ?
C.’est ma dernière question. Amandine, merci mille fois pour ta disponibilité, bonjour à Damien, son jeu est vraiment à la hauteur de ta voix. À bientôt et plein de bonnes choses !
Amandine Guinchard : Ne t’inquiète pas pour la petite pique, ça ne me dérange pas du tout…. J’ai l’habitude d’avoir à justifier l’emploi de l’anglais !!
, Bref… ce fut un plaisir !! À bientôt en concert j’espère !
Alors je vais essayer de répondre pour nous deux… Un top ten US pourrait certainement être présidé par le film »O.’Brother » qui nous a beaucoup plu, et dont la bande originale est magnifique ! Ensuite, Tarantino bien sûr… Je ne saurais citer un film en particulier, mais son univers visuel et musical nous parle vraiment. Pour la musique, on a déjà évoqué les bluesmen des années 20 comme Skeap James ou Robert Johnson… maintenant, nous avons Jack White, The Black Keys, etc… Du coup, dans les projets à venir, une petite session d’enregistrement à Nashville dans le studio de l’un de ces artistes serait plutôt une belle surprise… On verra ce que l’avenir nous réserve !
Quelques dates :
, Jeudi 29 mai 2014 : Chapiteaux Truc – Le Bleymard, Festival Festi’Val d’Olt.
, Vendredi 6 juin 2014 : Château De Lourmarin, Festival Yeah! 2014.
, Du jeudi 26 juin 2014 au dimanche 29 juin 2014 : Festival de Moissac.
, Dimanche 6 juillet 2014 : Presqu’ile Du Malsaucy. Festival Eurockéennes 2014.
Catfish – Muddy Shivers (Volvox / Pias)