Noir, noir, glauque, sordide, violent d’une violence à l’état pur, originelle, comme je n’en ai rencontrée que dans des romans australiens, un texte morbide, fataliste, sans un aucun espoir, pour raconter le chemin de croix de deux exclus de la société qui essaient chacun de fuir leur vie d’avant. Wild médecin morphinomane rayé des cadres de la profession, est recherché par la police, tout comme Lee évadé de la prison où il a mis le feu. Réfugié dans un motel minable, comme dans de nombreux romans sordides, Wild est obligé par la propriétaire de soigner Lee blessé d’une balle dans le ventre. Pour éviter que la police intervienne, Wild prend le jeune homme en charge et l’entraîne dans une odyssée apocalyptique pour rejoindre la maison perdue d’un médecin qui pourrait l’opérer.
Le roman de deux vies qui ont dérapé lorsqu’un grain de sable s’est coincé dans la mécanique de leur destinée : Wild a raté un acte médical et Lee a vu ses parents mourir dans un accident de la route. Une façon de montrer que le hasard peut bouleverser la vie de n’importe qui et que, quand la chance a tourné, elle a tourné définitivement sans aucun espoir de retrouver un monde meilleur, un monde simplement normal. Le sort s’acharne régulièrement et assidument sur ces pauvres ères, c’est toujours la solution la pire qui leur est réservée, et il n’est pas avare de misères à leur endroit.
Pour que le lecteur comprenne bien l’ampleur des malheurs qui affligent ces deux égarés de la société, l’auteur n’hésite pas à lui infliger moult détails et digressions, tous plus sordides et cruels les uns que les autres, dans un récit lent, lent, où il le traîne méthodiquement, patiemment, jusqu’à ce qu’il s’imprègne de toute la douleur qui s’immisce sous la peau de ces deux compagnons de misère. En général, les éditeurs préviennent » qu’on ne sort pas indemne » d’une telle lecture, en ce qui me concerne il y a longtemps que ce genre de roman ne m’égratigne plus, les âmes sensibles pourront cependant être chamboulées par cette descente aux enfers mais les amateurs du genre ne seront pas floués, ils auront leur dose d’émotions fortes.
J.’ose tout de même voir dans ce roman plus qu’une aventure morbide, je voudrais penser que l’auteur a voulu nous montrer que dans la société actuelle, nous pouvons vite devenir des brutes violentes et cruelles pour une simple poignée de monnaie et que ces deux morts-vivants ne sont que les images de tous ceux qui sont sacrifiés sur l’autel de tous les intérêts et de tous les pouvoirs.
Denis Billamboz
La Mauvaise pente
Roman de Chris Womersley
Traduction de Valérie Malfo
Editeur : Albin Michel
352 pages – 20€¬
Parution : 30 avril 2014