ATTENTION : SPOILERS (notamment sur la première saison)
La série-phénomène, de par son sujet, sa provenance, et son succès surprise, revient pour sa deuxième saison très attendue sur Arte dès le jeudi 15 mai 2014.
Akta MannisKor, série d’anticipation suédoise, a débarqué un peu en catimini sur les chaînes télé internationales peu habituées aux séries scandinaves pourvues de scénarii un peu abscons. Mais la qualité de l’intrigue, les interrogations qu’elle suscite, et la mise en scène étrange et forte en ont fait un vrai succès d’audience dans de nombreux pays, et un engouement étonnant.
Il est vrai que Real Humans propose, sur sa forme comme sur son fond, quelque chose d’inédit dans le monde de la série TV : la société présentée ici, une Suède contemporaine, fait exister des hubots (moitié humains, moitié robots) au service quotidien des vrais habitants : ménage, accompagnement scolaire, cuisine, veille d’enfants ou personnes âgées, remplacement professionnel, autant de petites tâches dans lesquelles ils peuvent acheter / louer ces robots à l’apparence humaine troublante, mais équipés de ports USB dans le cou pour les recharges régulières. La saison 1, brillante, partait de ce postulat, et se concentrait sur quelques destinées d’hubots qui connaissaient un tournant inédit : rébellion sourde, un ado qui tombe amoureux d’une hubot censée le surveiller après l’école, un employé d’usine devenant dingue quand des hubots s’octroient son job, et surtout, vers la fin, une bande d’hubots rebelles , en quête d’un code informatique (caché par leur créateur) capable de les faire s’émanciper et s’affranchir de leur condition pour devenir des hubots libres, voire des »presque humains »…
Situations tour à tour retorses, dérangeantes, où l’on questionne le rapport de l’homme à la machine, de la société facilitée ou esclave des nouvelles technologies, les conflits sociaux / amoureux entre personnes plus ou moins réelles… Le propos allait très loin, terrifiait souvent, alors même que la réalisation »à la nordique » – entendez doucereuse, lisse, presqu’un peu froide et posée – suggérait l’inverse. Du coup, trouble, fascination, et, même si le final était un peu décevant, il laissait entendre une suite encore plus forte et folle.
Mais c’est la grosse déception qui s’abat à la vision de ce deuxième jet. Les auteurs ayant décidé d’aller très loin dans leur propos (grosse modo, et si les hubots décidaient de faire leur révolution et de devenir humains, avec les mêmes droits, les mêmes aspirations, les mêmes libertés ?), ils s’éparpillent dans de nombreuses histoires, de nombreux rebondissements anecdotiques, voire inutiles, en laissant finalement la profondeur psychologique des protagonistes importants de la première saison sur le carreau. On zappe de scènes en scènes de manière trop superficielle et trop fébrile pour continuer à s’attacher aux personnages et à ce qui leur arrive. De plus, certains rajouts (notamment une entreprise de paintball humains/robots qui dégénère) frisent le ridicule tout en faisant l’objet de trop d’importance dans la série, au détriment d’autres histoires bien plus passionnantes. Les derniers épisodes ressemblent parfois à de la série Z poussive (comme certaines scènes lourdasses de la série »True Blood ») et viennent gâcher une série dès le départ de haute tenue…
Restent quelques pépites, comme cette hubot Flash/Florentine qui s’exclut du monde hermétique des hubots pour s’amouracher d’un humain, avoir des sentiments pour lui, puis s’unir, rêver à des enfants, fonder une famille… et ainsi faire basculer les milieux socio-politiques quant au statut social des hubots au sein d’une soi-disante démocratie malmenée par des partis extrêmistes anti-hubots et violents. Le personnage (et son interprète) marque de manière indélébile et sensible cette saison déroutante, ennuyeuse la plupart du temps, et surtout immensément frustrante, tant on attendait impatiemment une suite aussi prenante que la précédente.
Une troisième saison – déjà en préparation – saura-t-elle repartir d’un meilleur pied ? On croise nos doigts pas encore bioniques…
Jean-François Lahorgue
Real Humans (Akta Manniskor)
2 saisons de 10 épisodes (45 min chacun) – diffusion sur SVT1 (Suède)
série (Suède) créée par Lars Lundstrom en 2012
Diffusion france : Arte à partir du 15 mai 2014 pour la saison 2.
Bon, c’est vrai, on ne peut pas dire que ça a vraiment
décollé avec cette saison 2. Mais j’ai quand même pris plaisir à la regarder.
Vous parlez de la réalisation « à la nordique », doucereuse et lisse.
En effet, c’est très particulier et on sait gré aux auteurs de ne pas avoir
fait dans la surenchère d’effets spéciaux et de meurtres – il n’en va pas de
même pour les séries françaises qui ont trop tendance à vouloir copier les US.
Et puis aussi, il ne faut pas oublier l’humour, cet humour si particulier qui
se distingue de l’humour british, un humour encore plus noir qui n’est pas
forcément fait pour déclencher le rire, presque davantage pour susciter le
malaise. Je pense notamment au grand-père qui en guise de testament a voulu se
« réincarner » en hubot, ce qui donne lieu à des scènes (pour moi en
tout cas) vraiment hilarantes. Par exemple quand la famille se concerte pour
savoir à quel moment « allumer grand-père » ou l’éteindre lorsqu’il
devient un boulet… ou lorsqu’il répète à sa fille comme un perroquet un truc
du style « tu sais ma fille, je regrette de ne pas te l’avoir dit de mon
vivant, mais tu es ce que j’ai de plus cher au monde, je t’aime, bla bla
bla »… au début la fille est émue mais à la longue finit par
trouver ça exaspérant… grinçant, vous avez dit grinçant… ;-)