Vrai qu’on attendait avec curiosité depuis son épique Heartland des nouvelles discographiques du dénommé Owen Pallett.
Ou tout du moins qu’on le laissait tranquille dans son coin en espérant que le jeune prodige au talent multiforme (violoniste, arrangeur et enchanteur pop) retrouve le chemin des studios, la besace chargée des compositions dont il a le secret.
Bingo ! Ce nouveau chapitre a beau s’intituler In Conflict et dérouler, question thématique, des préoccupations assez sombres, ce quatrième album – le deuxième sous son propre nom – n’a jamais vu le jeune canadien au falsetto aérien se révéler aussi lumineux et épuré.
Comme délesté d’atours superfétatoires ou de tentations baroques grandiloquentes, le jeune artiste ne délaisse pas pour autant le lyrisme inhérent de ses compositions mais ici comme rédigé d’une encre plus limpide. Tout dans In Conflict est clair et accessible, dessinant de larges cieux grand ouverts grâce à une production idéalement équilibrée entre inspiration électro et élans symphoniques. Si le premier abord peut paraître un peu froid ou digital, chaque nouvelle écoute révèle en fait l’harmonie foncière de l’ensemble et le feu couvant sous la glace (le I Am Not Afraid d’ouverture).
Le disque se révèle surtout d’une fluidité et d’une évidence mélodique qui pouvaient jadis faire défaut au canadien, parfois confiné dans une double posture de virtuose et de musicien savant un peu « premier de la classe ».
Ici, idéalement situé entre la prodigalité instrumentale d’un Andrew Bird et la flamboyance post-moderne d’un Son Lux, Owen Pallett, avec l’aide de l’orchestre FILMharmonic Orchestra Prague, dessine en peintre inspiré un tableau d’inspiration romantique avec la délicatesse de touche d’un impressionniste.
Un panorama large ouvert, zébré de sublimes arrangements de cordes, alternant embardées épiques (The Riverbed, Song For Five & Six, The Sky Behind The Flag, fougueux morceaux de bravoure pourtant d’une totale évidence pop) et paysages plus intimistes ou en demi-teinte d’une grande lisibilité (On A Path, The Passions) et surtout plus vibrants qu’auparavant.
Il serait réducteur d’incomber à la seule présence sur le disque de Brian Eno – aux guitares, synthétiseurs et choeurs – ce nouveau palier franchi par l’artiste. Car même si son influence a pu jouer, In Conflict déroule un lyrisme et un magnétisme cinématique plus incarné que l’approche conceptuelle détachée du vieux maître ambient.
Car l’on ne peut que saluer la vraie touche « pallettienne » à l’oeuvre par exemple dans la mini-épopée aux accents néo-classiques Chorale, rencontre grandiose du XXIème siècle machinique et des enluminures baroques, et plus largement son évidence mélodique à l’oeuvre (les accomplis The Secret Seven et Soldiers Rock).
Ultra-contemporain et intemporel à la fois, ce bel album offre un paysage vierge à modeler par ses futurs auditeurs et révèle un grand pas vers l’universel effectué par son auteur, autant fils de l’approche musique contemporaine de Philip Glass et Steve Reich que des meilleures envolées pop des Beach Boys.
Une vraie date de ce printemps discographique et d’ores et déjà l’album le plus généreux et de haute volée, de ce violoniste et magicien pop de notre époque.
Franck Rousselot
Owen Palett. In Conflict
Domino / Secret City Records
Paru le 26 mai 2014
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