La tête à Détroit, les pieds à Nashville, Lafayette revient dans une formule resserrée pour un rock, toujours aussi mordant.
Cette chronique aura un goût de déjà lu pour ceux qui avaient déjà tâté de Suzie White Pills, l’article et surtout le CD qui en était le sujet. Pourtant, il s’en est passé depuis cet album qui avait fait sortir les Français du bois, leur donnant une plus grande visibilité et asseyant surtout leur style. Leur rock brut marqué par les années 70 a les vertus d’un coup de poing donné non sans une certaine sensualité. Cette ambivalence est toujours d’actualité, même si Lafayette a fait bouger ses propres lignes. Pour ce troisième opus, ils ont resserré les rangs, réduisant l’effectif à son noyau dur : Franck Hédin (guitare) et Nathalie Loriot (chant). Le duo, s’adjoint l’appui d’Olivier Ferrarin à la batterie mais celui-ci n’a découvert les compositions qu’au dernier moment, histoire de rester spontané et de ne pas perdre une once d’influx nerveux.
L’idée est simple : partir enregistrer à Nashville avec un backline limité et dans l’urgence (dix jours de studio et pas un de plus). Et cela se ressent dans leur musique, un album brut, sans basse et qui s’en passe très bien, et qui revient aux fondements même de la musique qu’ils aiment : des riffs de guitare minimaux mais ô combien efficaces, une batterie qui envoie et la voix soul et le groove naturel de Nathalie (toujours aussi charismatique). Le tout enregistré dans son us (avec un ampli de la seconde guerre mondiale qui sent le cambouis), faisant un volte-face affirmé à un son policé.
Avec ces ingrédients simples mais essentiels, les Français vous troussent un bon morceau et il suffit d’entendre Keys to The Riviera ou Why are you so churchy ? pour s’en convaincre. D’autant plus que Lafayette a toujours le chic pour trouver une mélodie qui, même quand elle cultive un côté un peu roublard, vous tient en haleine (Whispering Chain). La batterie peut être réduite à une seule grosse caisse, on marche quand même sur les pas graisseux que le groupe emprunte avec force mais non sans une certaine élégance (Born and Rise from Nowhere). Sortant d’une instrumentation stricto sensu rock, le groupe s’octroie la petite coquetterie d’utiliser un thérémine, histoire d’aller là où on ne l’attendait pas et de donner une touche plus étrange à cet esprit brut de décoffrage (born and Rise from Nowhere).
TN Motor est un album enregistré à Nashville mais inspiré par Detroit dont Franck et Nathalie en ont fait la thématique générale. L’humeur est donc sombre, urbaine avec un sentiment de fin de siècle : la ville du, MC5 appartient au passé, tout comme Nashville représente le présent d’un certain rock US (Black Keys, White Stripes, Alabama Shakes). Le tout constitue l’ADN de Lafayette et nous conduit au bonheur simple mais essentiel du bon titre qui tourne dans les oreilles.
Denis Zorgniotti
Date de sortie : 16 juin 2014
Label / Distributeur : Bad Stone / Sony Music