Plongée dans une Angleterre subaquatique rêvée, le quatrième album des trop méconnus Oddfellow’s Casino est un des cadeaux de cette fin de saison. Un vrai immanquable pop, romanesque et fascinant. Merci David Bramwell et merci le label français (cocorico !) Microcultures.
Et encore une fois les anglais démontrent leur maîtrise incontestée en matière de langage pop. Que ce soit par l’intermédiaire d’un groupe malheureusement peu reconnu chez nous n’est pas pour nous déplaire : jeter un très modeste éclairage sur l’existence d’un groupe en tout point estimable justifie un peu en cela le fait de participer à un blog.
Formation discrète mais tenace, les Oddfellow’s Casino venus de Brighton sont en fait le projet musical derrière lequel se cache leur talentueux maître d’oeuvre David Bramwell, musicien pour qui la gloriole compte moins que le parcours accompli depuis une douzaine d’années. De la race des singuliers docteurs-ès pop, le musicien à la voix douce conjugue l’exigence de l’orfèvre musical à la dimension littéraire du conteur, bâtissant une pop mélodique au son élaboré et à l’univers cinématique.
Faisant suite à ses valeureux faits d’armes régulièrement ignorés par le grand public pour leur quatrième album The Water Between Us, l’anglais mélancolique et mélodiste accompli, soutenu par les mélomanes activistes du label français Microcultures, s’est immergé dans ce qu’on dénommait volontiers autrefois sous le terme de « concept album ».
S’abandonnant en fait à une pure rêverie à partir de l’histoire véridique de deux villages britanniques engloutis sous les eaux suite à la construction d’un barrage, David Bramwell gravit une marche de plus dans sa recherche du Graal pop parfait en signant un disque en tout point admirable.
Déroulant ses chansons comme autant de pages tournées d’un livre de légendes, The Water Betwen Us déroule un fascinant et majestueux univers entre folk, délicate électro pop et ambient au charme vespéral (Stone Riders, We Love Ourselves), puisé à la fontaine de la mélancolie et poli par le raffinement du poète (Wild Waters, The Great Cold). Le tout pouvant être porté parfois par un souffle vital aux accents épiques (The Quiet Man et Ghosts Of The Moorland, deux sommets visités par une liberté quasi jazz).
Pur héritier en cela d’une grande tradition de song writers british excentriques (Robert Wyatt, Syd Barrett) et d’inventifs laborantins sonores (Andy Partridge/XTC, Paddy McAloon/Prefab Sprout, Lawrence Arabia), l’art de Mister Bramwell a beau être de ceux que le grand public s’ingénie à ignorer, la musique de Oddfellow’s Casino, élégante et mystérieuse, impose avec éclat son évidence.
Ici peaufiné par le producteur et arrangeur Julian Tardo, le son de ce nouveau chapitre hanté par la perte et le temps perdu résonne comme son oeuvre la plus aboutie, mini-cathédrale pop procurant un doux vertige parfois caressé par l’ange du bizarre (Warm Skin, Strange Love) rejoignant en cela les miroitements d’esthète déjà parcourus par d’éminents collègues tels qu’Erland & The Carnival ou Get Well Soon.
Romanesque, méditatif et vibrant d’une humanité subtile comme le crépusculaire et splendide Lightouse Keeper qui clôt l’album, l’art d’Oddfellow’s Casino est de ceux qui résistent à toutes les tendances capricieuses qui agitent le monde musical.
Et l’on ne saurait que remercier bien bas le label français Microcultures qui, par son système de souscription et financement participatif, a permis malgré tout de mettre au jour ce que l’on est bien tenté de nommer chef-d’oeuvre pop.
« Darkness was beautiful with you, silence was beautiful with you, death will be beautiful » chante-il au détour d’un couplet : on ne saurait le contredire.
Franck ROUSSELOT
Oddfellow’s Casino. The Water Between Us
Label : Microcultures
Sortie : 2 juin 2014
site Oddfellow’s Casino
Microcultures
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Discographie :
Yellow-Bellied Wonderland (2003)
Winter Creatures (2005)
Absence Of Birds (2008, EP)
The Raven’s Empire (2012)
The Water Between Us (2014)