Netflix débarque en France. Cette entreprise propose donc, depuis quelque temps dans d’autres pays anglophones, des séries originales complètes, en téléchargement direct en une seule fois, disponibles uniquement sur le Net pour les adeptes du »binge watching » (regarder une saison d’une traite), les curieux, ou ceux qui ont bon goût. Car c’est Netflix qui a proposé le magistral thriller politique House of Cards, et, donc, la saga carcérale d’une rare intelligence qu’est Orange Is The New Black
ATTENTION – SPOILERS A PARTIR DE CE PARAGRAPHE.
Pitch de départ improbable, et au final, un magnifique portrait de femmes fortes ou brisées : soit l’arrivée d’une jeune femme blanche et d’apparence bien-sous-tous-rapports dans une prison fédérale pour femmes, seulement pour quelques mois pour avoir, sans le savoir, aisé sa copine à passer de la drogue pour un cartel quelques années auparavant. Elle se retrouve, abasourdie et innocente – comme le téléspectateur qui s’identifie de suite à ce personnage – dans un milieu dur et cru, raciste et violent, en essayant de nouer des relations tout en s’imposant des règles nécessaires de survie.
Mais attention, on n’est pas dans Oz, autre grande série carcérale. Jenji Kohan, déjà responsable de la succulente série Weeds (avec aussi une héroîne WASP bourgeoise qui dealait du shit dans son quartier chic), sait mieux que personne féminiser et humaniser son propos sans le dénuer d’un humour sensible et parfois un peu trash. Orange is The New Black, s’il ne brille pas par un scénario original, reste un portrait étonnant et fascinant des incarcérées aux Etats-Unis actuellement, de leur quotidien, leurs désirs, leurs problèmes et leurs relations sociales. Des portraits superbes et inspirés, qui oscillent entre flash-backs sur leur passé et leurs raisons d’emprisonnement, et la manière dont la vie en taule modifie leur caractère, leur destinée. De fait, si on reste attaché au début de la première saison, à Piper, l’héroîne blonde, on a tôt fait de se passionner pour les parcours des autres protagonistes.
Et la saison 2 a l’immense qualité, pour ne pas ennuyer le spectateur, de ne plus se focaliser sur Piper au milieu des autres, mais à s’intéresser aux autres, au milieu de Piper. C’est ainsi que de nombreuses criminelles laissées dans l’ombre sur la première saison, débarquent sur le devant de la scène et ont droit à de beaux portraits par épisode, passionnants et qui témoignent de la volonté, pour la série, de ne montrer finalement que des premiers rôles, comme si la majorité des personnes de l’unité carcérale de Lietchfield était les héros de l’histoire. Autre belle qualité, et qui fait de cette saison 2 une salve encore plus géniale que la première, c’est qu’elle ne lâche rien côté violence des sentiments et des situations : agressions, racisme, homosexualité choisie ou subie, harcèlement, menaces, pouvoir, autorité, (in)justice, tout est mouliné pour laisser une tension permanente et un caractère sombre au fil des épisodes qui n’oublient jamais de rester poétiques par moments, drôles et absurdes souvent, et toujours originaux.
A ce degré de justesse des portraits, de véracité de situations et de réalisation fouillée et maîtrisée, c’est du grand art. Et, comme pour HBO et contrairement à d’autres chaînes productrices et commanditaires de séries, les scénaristes ne sont assujettis à aucun cahier des charges et peuvent donner libre cours à une imagination trépidante, intelligente et efficace. Ce qui fait d’ Orange Is The New Black la série du moment, de l’été (de l’année ?) à savourer d’urgence.
Vous me remercierez après.
Jean-François Lahorgue
Orange is the New Black
Série de Jenji Kohan (2013 – ?)
2 saisons de 13 épisodes de 52 minutes
Diffusion : Netflix