The Walkabouts – Devil’s road / Nighttown

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The Walkabouts, c’est près de 30 ans de carrière depuis l’inaugural 22 Disasters en 1985. Signé un moment sur Sub pop et originaire de Seattle, il n’en fallut pas plus pour le groupe américain soit assimilé dans l’inconscient collectif à  la sphère grunge. Que nenni ! L’écriture et la personnalité de son songwriter en chef, Chris Eckman (voix et guitares) sont toute autre et n’appartiennent pas à  cette obédience. Plus classique, plus naturellement américaine (on pense parfois à  Cowboys junkies), plus pérenne aussi à  l’image de leur modèle Townes Van Zant. Avec en prime le grain typiquement américain de Carla Torgerson, le piano et l’orgue de Glenn Slater. Et bien sûr des guitares…Et donc sans avoir pris une ride ou presque (après tout The National, c’est un peu les Walkabouts d’aujourd’hui) que l’on redécouvre en 2014 deux albums du quintette américain : Devil’s road paru en 1996 et Nighttown, en 1997. Le prétexte est simple : la ressortie des deux albums, agrémentés d’un second CD fait de version démo, live et alternatives. Un truc de fans pas inintéressant, notamment quand il s’agit d’exhumer le titre Devil’s road, étonnamment écarté du tracklisting final. Ou sur Nighttown de ressortir un instrumental original (Sanitorium Blues). Mais,  ces bonus ne doivent pas occulter l’essentiel : les deux albums en eux-mêmes méritent d’être redécouverts.  Deux albums où The Walkabouts a décidé de faire évoluer sa musique dans deux conjonctures différentes, tout en préservant l’essence de sa musique. L’évolution dans la continuité.

Avec Devil’s road, Chris Eckman donne un écrin classieux à  sa musique. Le fond est toujours là  : des ballades country-rock où tout roucoule, des moments plus enlevés,  (All for this ou Rebecca Wild, proche de R.E.M) lorgnant même vers un rock plus crade où Eckman reprend le micro d’une voix rocailleuse (The Stopping-Off Place, Fairground blues).,  Lent et majestueux, The Leaving King entretient un petit côté Tindersticks et pas seulement car Dickon Hinchcliffe y joue du violon.,  Mais pour cet opus, changement de décor et d’échelle. Le disque a été enregistré  à  Cologne par Victor Van Gut (producteur de Nick Cave et Robert Forster) et surtout il bénéficie de l’appui non-négligeable sur un partie de l’album de Orchestre Philarmonique de Varsovie. Cet aspect symphonique tire la musique vers le haut, dramatisant le propos sans écraser les mélodies d’Eckman : sur I light will stay on, l’arrivée en deux temps des cordes et de cuivres à  la Calexico sauve un morceau jusque là  un peu plan-plan. Et quand les morceaux sont à  la base bouleversant, on jubile intérieurement de ce nouvel équilibre trouvé par Walkabouts, entre naturalisme et sophistication (Christmas Valley). Là, guitare et cordes se livrent à  un jeu de cache-cache dans un vrai moment d’exception (Blue Head Flame). Ailleurs, When Fortunes Smiles, Carla Torgerson se transforme en Nancy Sinatra avançant féline sur le fil ténu d’un orgue.

Peut-être When Fortunes Smiles aura donné des idées à  The Walkabouts. En tout cas, la vision nocturne qui touchait un peu Devil’s Road se répand sur tout Nighttown, qui comme son nom l’indique, peut se vivre comme une balade, de nuit dans une ville qui pourrait être Seattle (où l’album a été enregistré).  Mais qui dit « nuit » ne veut pas dire forcément atmosphère lugubre et mélodies déprimantes : le groupe réussit toujours ses morceaux enlevées (Immaculate) mais aussi à  laisser parler sa fibre mélancolique (heartless) Cet album garde une appétence pour les arrangements orchestraux et certains morceaux de l’album peuvent s’appréhender comme le prolongement naturel de Devil’s road (These prouds streets,  lift your burdens up, prayers for you). Mais sur quelques morceaux, le groupe américain nuance à  nouveau sa musique et y apporte un éclairage nouveau. Cela se traduit par une part accrue des claviers, parfois là  où l’on ne les attendait pas (Glenn Slater fait littéralement joujou aux milieux des guitares de Immaculate). Mais l’essentiel est ailleurs. A entendre dès l’ouverture,  Follow me angel,,  on comprend que les Américains explorent une nouvelle voie  : c’est bien le jazz qui s’invite dans l’univers des  Walkabouts.  Le jazz et la nuit, on le sait,  font souvent bon ménage. Il y a parfois un côté Murders Ballads de Nick Cave, d’autant plus quand Torgerson et Eckman se rejoignent dans un slow au crépuscule (Nightbirds). A noter que cette fois, c’est Warren Ellis de Dirty Three qui vient jouer du violon sur deux morceaux, notamment sur Forever Gone, dont le solo étourdissant fait souffler un vent décoiffant sur la musique de The Walkabouts.


Denis Zorgniotti

Devil’s road (1996)
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Nighttown (1997)
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Sortie : le 27 juin 2014
Label / Distributeur : Glitterhouse / Differ-ant