Le livre s’ouvre par un coup de feu et se referme de même. Entre les deux, une vingtaine d’années dans la vie d’un couple, de la fin des années 30, au début des années 60, avec, en filigrane, un peu de l’histoire de l’Amérique.
Ils sont jeunes et nantis : elle est fille de sénateur, lui est né avec un ranch et une plantation de houblon en héritage, quelque part du côté de Sacramento. Stanford pour l’un, Berkeley pour l’autre, le couple est sans surprise.
Leurs parents ont construit le pays, ils sont condamnés à faire fructifier mollement ce qu’on leur a légué. Silhouette évanescente, Lily cultive le vague-à -l’âme au bord de la rivière, se sent un peu étrangère à tous, à sa belle-famille, au sein de laquelle elle vit, et encore plus aux autres femmes, dont elle se tient à l’écart. †œEntre elle et les autres femmes il existait un vide dans lequel se perdaient les ouvertures, les voix devenaient inaudibles, le courant ne passait pas.†
Elle épouse Everett par acquiescement plus que par conviction. †œElle se demandait si elle était vraiment obligée de l’épouser simplement parce qu’il l’avait voulue et l’avait prise†.
Elle tente de se conformer à ce que font les jeunes épouses mères de famille, mais son couple bat de l’aile, les amants s’invitent pour tromper l’ennui. Rien de bien neuf donc, sous le soleil de Californie., Dans cette vacuité on comprend que Brett Easton Ellis et Jay McInnerney révèrent Joan Didion.
Si le roman, à la construction confuse, est assez pataud et peine à captiver, on reconnaîtra toutefois à Joan Didion une grande finesse dans sa façon d’évoquer le sentiment amoureux et ses ambiguîtés, tout ce qui fait du couple un équilibre si fragile.
Brigitte Tissot
Une saison de nuits
Roman américain de Joan Didion
Editeur : Grasset
331 pages – 20 euros
Parution : mars 2014