OK OK OK ! J’avoue. En voiture nocturne et solitaire sur une route de Beauce lors de ma première écoute d’Ecran Total, je me suis dit: « Omagade, mais qu’est qu’ils ont fait ? ils ont tout cassé leur rockabilly« . Mais c’est pas de ma faute aussi, si la bande au cheval cabré me prenait à rebours avec son étrange retour au, le sens des affaires, avec cette petite boîte à rythme chelou et ces paroles où le gominé Felzine m’accueille en disant, je cite : « (…) Je vous tire mon chapeau et je vous tend l’oignon. Non je n’ai pas le sens des affaires, et je connais leur direction droit dans mon derrière. , Allez mettez-la moi bien profond, car je le mérite au fond je suis volontaire. Je vaux moins qu’une puuuuuute, son sexe est tarifé, moi on me culbuuuuuuute, en toute gratuité« . C’est rude comme accueil. Ça perturbe, quand on a laissé la petite troupe, Bo comme Diddley (pardon, j’ai osé) et sexy comme le Fonz au drive in. On gamberge. On se dit que voilà l’album de la déprime, de la montée à Paris, de la remise en question, et qu’ils ont viré Elmer Food Beat…. (rappel)
Puis, je me rend compte… Que je me suis planté. Châtiment corporel direct. Pim je tends les doigts. Aïe!
Oui Mustang casse son jouet. Mustang n’est plus, avec ce troisième album, le groupe qui intègre les 50 / 60’s rock américaines dans la musique en français. Ou en tous cas plus uniquement. J’ai nourri une théorie à ce sujet : nous sommes en 2014. En France, cartonne Fauve et sa déconstruction de la structure des paroles du rock, ou La Femme et sa déstructuration de la construction psychédélique. Et pour Mustang, qui l’air de rien, a été un précurseur de la désinhibition du rock français du schéma dans lequel l’avait un peu enfermé (bien involontairement) la génération des Dominique A et Miossec, un succès d’estime : autant dire le lot de consolation. Alors, comme ils ont encore l’âge d’être des sales gosses, ben, Mustang prend le contre pied, et pousse le bouchon un cran plus loin.
Il faut cependant plusieurs écoutes pour se rendre compte qu’Ecran Total est plus « sale » que ses prédécesseurs, et qu’en fait, c’est un peu le but. Plus bad boy, cet Ecran Total. Ce n’est pas pour rien sans doute que le disque s’ouvre sur une histoire de coups de poings et de gueules cassées, « les oiseaux blessés« . Il y a des guitares distordues et de l’électronique malade. Il y a des paroles plus crues, à la gloire du fion, du sexe ludique (si, si !), et même un panégyrique à la gloire des filles faciles (parfaitement de bon ton avec l’époque qui crie au féminisme ;-). En fait, Ecran total est parsemé de coups de gueules : les as des réseaux sociaux, les drogués du jeu vidéo, la famille, les salopes, les puceaux… Mustang plante ses crocs. Il est MEUCHANT, le Mustang nouveau, okayyyy?
Et là où j’étais d’abord désarçonné, je me rends compte que si Mustang joue à perturber son schéma directeur, il,n’oublie pourtant pas au passage deux de ses composantes essentielles ; les deux en fait, qui devraient, si le monde était bien fait, porter le groupe au pinacle de la hype : des mélodies qu’on n’oublie pas de sitôt, et une écriture toujours aussi bien torchée.
Mustang réussit musicalement à garder des lignes mélodiques immédiates, portées par la guitare rock 50/60, marque de fabrique équine, et du riff qu’on se surprend à siffloter dans les couloirs du métro, tout en explorant d’autres couleurs, ou d’autres artifices un peu « kraut » pour changer de direction.
Quant aux textes où Felzine joue à choisir le meilleur mot cru, jamais beauf, pour évoquer ce qu’il a à évoquer, ils naviguent sur la petite ligne ténue qui sépare le génie du drame. Et de drame, en fait, sur Ecran total, il n’y en a aucun. Enfin si un, celui de se rendre compte que comme toute teigne de premier ordre, Mustang a un petit cœur tout mou. A ce titre, le très électro Ce n’est pas toi est sans doute le titre autour d’une rupture le moins tarte que j’aie écouté ces derniers mois, tandis que Je vis des hauts décrit le drame du gamer dans toute sa pitoyable réalité, bien mieux qu’une mise en garde de Nadine Morano sur le sujet.
J’avoue mon erreur primaire. Oui, Mustang a changé, mais putain, en fait ils muent ces petits cons. En fait, ils sont en train d’arriver à sortir du « cliché » rockab sixties, dans lequel on était tous en train de les ranger, parce que ce qu’on range et qu’on nomme nous autres critiques, on a l’impression que c’est mieux pour le monde. A cet étouffoir critique et esthétique, la bande répond par la hargne, le bras d’honneur, l’ironie comme une seconde peau. Oh WAIT, est-ce que je ne viens pas de décrire justement ce que c’est qu’être punk ? Enfin, quand punk, c’était une attitude et pas seulement les docs et le perfecto…
Denis Verloes
Tracklist
Date de sortie: Mai 2014
Label: Arista / Sony Music
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La critique de Tabou sur benzinemag
La vidéo (non officielle) de Je vis des hauts