Chad VanGaalen – Shrink Dust

CVG_ShrinkDustLPJacket_WorkingCe n’est finalement pas une mauvaise chose de rentrer de plain-pied dans la discographie d’un artiste pour mieux appréhender son univers. Pas une mauvaise chose non plus d’avoir choisi, en guise de bande-son pour une bonne partie de son été, les gentils démons et merveilles qui peuplent les chansons de Chad VanGaalen.

Evidemment on savait que le grand canadien dégingandé n’en était pas à  ses premiers pas. Mais avouons que ce cinquième album, tout brinquebalant et tombé du ciel, s’affirme l’occasion idéale de plonger dans l’imaginaire biscornu du bonhomme.

Comme la rencontre inattendue d’un épigone de Hank Williams et d’un fils spirituel de Syd Barrett, ce déroutant autant que séduisant Shrink Dust nous embarque pour un singulier voyage hanté par l’ange du bizarroîde. Notre géant venu de Calgary a beau s’y révéler travaillé par l’étrange, l’inquiétant, les métamorphoses du corps et les pertes diverses, sa musique composite n’oublie jamais de demeurer ludique et colorée.

Autant cowboy country que spationaute lo-fi égaré ou gentil monstre Tim Burtonien, VanGaalen croque, en excentrique mais accueillant maître des lieux, de savoureuses vignettes folk remplies de digressions soniques discrètement inquiétantes (Cut Off My Hands aux sombres paroles « Coupe-moi les deux mains et jette-les dans le sable, regarde-les nager au loin comme une paire de crabes ensanglantés » et ses magnifiques arrangements tordus, All Will Combine aux airs de dessin d’enfant). Et, en outsider attachant et song writer exigeant, peaufine un art des mélodies fragiles et soignées (Frozen Paradise, Cosmic Destroyer) d’une délicatesse finale d’exécution fort éloignée du bûcheron rustaud que son allure laisse paraître.

Tourner les pages de Shrink Dust, c’est un peu comme croiser le folk vespéral d’Andrew Bird qui tomberait nez à  nez avec les monstres de Lovecraft (Where Are You) ou un Neil Young qui serait hanté par le Horla de Maupassant (réjouissant Hangman’s Son).

Fruit de son amour récent pour la pedal steel guitar, on se sent en bonne compagnie dans ce nouvel opus, moins âpre et rugueux que les précédents. Comme si notre nouvel ami canadien avait pactisé avec les démons et ombres qui peuplent son imaginaire fertile, dont il fait profiter les dessins et films d’animation dont il a également le talent.

Étrange mais attachant livre d’images, certainement le plus abouti de son parcours, qui a le bonheur de stimuler notre imaginaire. Et, sous le charme de ce maverick rêveur et country singer alternatif qui calme ses peurs d’enfants, une fois accoutumés à  son climat contrasté, on ne quitte qu’à  regret cette balade dans son pays d’Oz parallèle.

Mais on s’avère plutôt content, d’avoir déniché un cousin canadien de Trevor Powers, notre ami de Youth Lagoon. Car comme chez ce dernier, on sait que les créatures aux airs difformes ou monstres timides cachés dans l’ombre sont nos plus fidèles frères d’âme, eux qui ne nous veulent que du bien.

Franck Rousselot

Chad Vangaalen. Shrink Dust
(Sub Pop / PIAS)
Paru le 5 mai 2014

Chad VanGaalen sur Sub Pop Records
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