Non seulement KIM est un musicien qui réussit l’exploit de sortir un disque formidable tous les 6 mois (son dernier album »Ballads » est une merveille !), mais en plus c’est un amateur de musique érudit, curieux, ouvert à tous les styles et terriblement passionné. Pour en avoir la preuve, il suffit de se pencher sur son 5+5, vous y trouverez des disques de qualité, mais aussi et surtout les arguments pour vous donner envie de les écouter tous, sans exception !
août 2014
5 Disques du moment :
Nils Frahm -« Spaces »
On m’a conseillé Nils Frahm un soir, via un lien Youtube. J’ai pris une immense claque. Je n’avais pas entendu une musique aussi inspirée depuis ma découverte de »ummagumma » quand j’étais gamin. Et gamin, ce Nils llà l’est bien. Il est si jeune pour faire une musique si décomplexée. La minimal m’intéresse beaucoup. J’aime qu’elle laisse l’auditeur tranquille face à sa contemplation. J’aime aussi les musiques minimalistes, que ce soit Satie ou Steve Reich. Et j’aime aussi le jazz modal au piano, les improvisations de Keith Jarett. Nils Frahm combine toutes ces facettes là en une seule musique. Son album »Spaces » est une bonne porte d’entrée à sa musique car il colle des bouts de live improvisés, sur la route, avec des reprises de ses propres anciens titres, comme le font certains chanteurs country. La charge émotionnelle de cet album est ultra intense. D’une certaine façon, ce lâché-prise m’a rappelé Connan Mockasin. Nils joue du piano, de l’orgue et des synthétiseurs. Par la suite, j’ai acheté tous ses disques. Pour moi, il est une des personnes les plus importantes du moment.
Mac Demarco -« Salad Days »
Dans l’indie pop, il est mal vu d’aimer le blues. Pour ma part, j’ai découvert le blues il y a seulement dix ans, tant la censure de mon entourage opérait. Jack White a été ma porte d’entrée. Depuis des années, j’aimais faire des solos de guitares en live, mais je ne jouais qu’en bitonalité, comme Neil Young. Avec le blues, j’ai découvert les gammes pentatoniques, puis leur globalité, leur passeport pour aller du Mali à l’Indonésie, de Chicago à Dublin, de L.A à Turin, de Londres à Hong Kong. Le blues et son anthropologie m’ont amenés à découvrir Dire Straits sur le tard et ressortir mes cassettes de. JJ. Cale. Le lyrisme mélodique à la fois pentatonique et médiéval, les touchés laid-backs de ces guitaristes là m’ont totalement bouleversés. Encore une fois, ce mélange de grammaire dense et de réserve rythmique est d’une inspiration considérable. Chez Mac Demarco, j’ai senti tout ça. Entre temps, les indies coincés se sont trouvés un terme pour s’excuser d’écouter du blues : la blue wave.
Lana Del Ray -« Ultra violence »
je n’ai pas encore l’album. Mais la chanson »West coast » est tellement importante pour moi que je sais qu’elle justifie déjà d’avoir cet album. La mélodie est superbe, l’interprétation est ultra sensible. Elle m’a mis part terre, comme quand elle a publié »Vidéo games ». Le changement de tempo en plein milieu de la chanson est magnifique. Différencier autant un 8/4 d’un 4/4,, j’ai surtout entendu des californiens maitriser ce genre d’effets à propos.
Cléa Vincent -« Non mais oui »
Depuis que j’ai rencontré Cléa Vincent en 2009, je suis convaincu qu’elle est l’une des musiciennes, chanteuses, auteures compositrices des plus importantes de France. Elle joue du piano comme Monk, du Wurlitzer comme Christine Mc Vie, chante comme Dick Annegarn, groove comme Berger et n’écrit comme personne. J’ai eu la chance de co-écrire certaines de ses chansons. A la table d’écriture, j’ai pu observer de près ce que l’on perçoit en la voyant sur scène : sa spontanéité. Il n’y a jamais rien de forcé chez Cléa. Elle ne bougera pas un stylo ni un doigt sur un clavier, ni une voix dans un micro si elle ne le ressent pas à 100%. Aucun mensonge. Aucun jeu. Sa voix qui, parfois, chante à demi-mots, puis étire les syllabes sur parfois dix notes montre totalement la dualité de ce personnage. Si elle ressent peu un mot, elle le baragouine. Si une syllabe la fait vibrer, elle la surjoue. Cléa est surdouée. Je joue avec elle dans deux groupes. Un dans lequel elle chante, et je suis à la batterie, Les Chansons de Ma Tante. Et je peux dire qu’elle dirige d’une façon télépathique époustouflante. L’autre groupe s’appelle A La Mode, nous jouons et écrivons un jazz modeste est très ouvert. Dans l’improvisation, Cléa joue comme elle chante. C’est impressionnant.
Junior Vic Band -« Cold cold feeling »
Je suis fan de Peter Green. Je retrouve la même sève chez Junior Vic. Il est si jeune, et si doué. Il chante le blues depuis Bagnolet avec ses copains comme en 68 Mayal le faisait. D’ailleurs, il a un point commun avec Mayal : il est aussi un grand découvreur de talents, et son entourage est une pépinière. Junior Vic est en effet directeur artistique de l’excellent label Midnight Special Records. Il découvre tout ce que vous écouterez demain. Les pontes de la production parisienne viennent juste de s’en rendre compte et commencent à trembler. Pour moi, Junior Vic est l’oreille la plus importante en France depuis Jan Ghazi ou JB de Born Bad. Junior Vic fait partie d’une nouvelle génération de producteurs malins, érudits et experts, comme les disques Croque Macadam ou le Turc Mécanique
5 disques pour toujours :
The Cure »Japanese whispers »
Robert Smith en pleine dépression, avec ironie, alcoolisme, et contrat obligatoire, se fout de son groupe autant que de son écriture en 1982/83 et publie tout un tas de singles du bout des lèvres, quasi en solo puisque son groupe est en décomposition. Étrangement, seul et perdu, obligé de pondre des chansons pop dans l’ironie, Robert va chercher au plus profond de son humour et de son héritage. Il se livre peu, expérimente beaucoup et accouche d’une catharsis des plus passionnantes. Il tente de plagier les aristochats et les Stray Cats et »Love cats » malgré sa légèreté, nous surprend tant par son jazz que pas sa tension new wave latente. Il tente de plagier New Order, et »the walk » est une des chansons les plus puissantes mélodiquement de sa carrière »Let’s go to bed » laisse percer une angoisse palpable pudiquement cachée par du disco funk maladroit et les faces B de ses singles sont des confessions électro étonnantes, de »just one kiss » à « lament ». En 8 titres, on surprend Robert Smith en plein virage émotionnel. J’aime quand un disque capte parfois un moment précis dans la vie de quelqu’un. Les albums enregistrés rapidement sont chargés en qualité photographique. Celui ci en est un. Cette compilation de singles de 1983 échappe à son auteur et forme un des ses disques les plus cohérents.
Neil Young -« American stars and bars »
Comme »Japanese whispers » ce disque est accidentel. Des sessions d’ici et de là rassemblées pourtant de façon également photographique l’humeur paumée de Neil à ce moment de sa vie »Like a hurricane » et son intention franche et violente, le jeu de guitare, la voix, tout est sublime.
Visage -« Visage »
Lorsqu’il y a eu un revival new wave, il y a dix ans, je pensais vraiment entendre à nouveau cet album dans les clubs. Et puis non. Il est pourtant magnifique. Il est groove, il est dandy, les gars de Magazine funk de façon martiale, la voix de Strange est théâtrale, les mélodies superbes, les paroles stupides et le son massive et inventif. Quand j’étais gamin, mes parents écoutaient ce disque en allant à l’océan. Dedans, chaque titre s’enchaîne sans pause et je m’étais juré d’en faire autant quand je ferai des disques, moi aussi. J’ai tenu ma promesse sur un paquet d’entre eux. Le mystère qui plane dans le premier Visage est captivant. Il est disco, il est rock. Cet album là est autant cinématographique que punk. Il sent le club autant que la minutie d’un studio. Midge Ure est dans le coin, et au meilleur de sa forme. Il est le gars qui fait des tubes en 1980.
Depeche Mode -« black celebration »
C’est un de mes disques préférés. Le mystère y est omniprésent et tous les titres s’enchaînent sans pause. Les textes sont magnifiques, la production avant garde, les musiques sont solides et brillantes. Martin Gore est au sommet, pour moi, dans cet album. 5
Kate Bush -« Hounds of love »
Entre »The dreaming » et »Hounds of love » il m’est difficile de faire un choix. Mais ce dernier est plus complet pour le fan de Kate Bush que je suis. Il y a ces chansons magnifiques, lyriques et new wave en face A, puis ces pièces baroques et expérimentales en face B. Ce disque est un monument. Il est l’un des plus grands disques de tous les temps. Comme »songs in the keys of life » de Stevie Wonder, »Rumours » de Fleetwood Mac ou le double album blanc, »Ummagumma » et autres chefs-d’oeuvre »Hounds of love » est passionnant, inépuisable. Il m’accompagne depuis des années. Ce n’est pas la même chose d’écouter ce disque à 15 ans, 25 ans ou 35 ans. Il sait vieillir avec vous et offre toujours une nouvelle lecture. Lorsqu’une musicienne ou un musicien réussit le pari de créer quelque chose à la fois intemporel face aux époques mais aussi face à nos chapitres de vies personnelles, lorsqu’il démolit le temps horloge, le temps mental, le temps culturel, alors il ou elle détruit le temps en général, brouille le passé, annonce l’avenir, nous place dans un présent panoramique onirique et puissant. Seule la musique sait faire ça. Et en musique, rares sont ceux qui arrivent jusqu’à ce grâle. kraftwerk et Kate Bush sont les deux seuls exemples actuels qui me viennent en tête. Car ca va au delà du songwriting, qui est ici excellent. Je parle là de musique, et la puissance de cet art, qui le place, pour moi, au dessus de tout. Ce qu’a réussi Kate Bush est tellement monstrueux qu’on devra encore se pencher dessus pendant longtemps. Casser le temps et sa matrice architecturale, c’est d’un génie à couper le souffle. Il y’a eu Bach, nous avons Kate Bush.
Kim – Ballads
Label : MK Label
Sortie : 20 août 2014
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