Bon dans la famille Antidata, on aime bien dézinguer à tout va, ! Moi perso pas trop, mais certains de mes collègues s’en donnent à coeur-joie. Tuez-les tous et Dieu reconnaîtra les chiens, ! J.’appelle à la barre Christophe Ernault pour »Playlist » et Olivier Bordaçarre pour »Protégeons Les Hérissons » »une quasi quarantaine de morts dont un rottweiller et un hérisson à eux deux en cent-quatre-vingt-dix pages à tout casser – au propre comme au figuré – ! Et ouais »
Alors n’y allons pas par trente-six chemins, je te vois venir avec tes conflits d’intérêt en gros sabots et gnagnagna, : oui »Antidata est mon éditeur historique, oui dans un sens ou plusieurs, j’adorerais que cette petite maison deviennent célébrissime et tire à des dizaines de milliers d’exemplaires, non je n’ai pas d’actions chez eux, non je ne couche avec aucun des membres de l’exécutif de manière régulière, et non et non et non »je suis pas Trierweiller moi, je ne peux pas oeuvrer pour le redressement de la librairie indépendante en racontant mes histoires de fesses avec le président. Alors je fais ce que je peux. Je dis ça parce que je viens de voir un reportage sur des hordes de libraires prenant d’assaut les entrepôts Hachette, en ressortant des cartons gavés de la daube en question sous le bras, : » au moins ça sauvera le mois, !, « »y.’en a un qui disait »plein d’ambition et d’espoir.
Bon »comme tout un chacun qui part en vacances de temps à autre, je fourre des livres dans mon sac et les lis sur la plage ou en terrasse »tranquilou-bilou.
Ma liste de lecture était la suivante cette année, :
-« Les Androîdes Rêvent-Ils De Moutons Electriques » Philip K. Dick.
-« Un Logique Nommé Joe » Murray Leinster.
-« Playlist » Christophe Ernault.
-« Protégeons Les Hérissons » Olivier Bordaçarre.
-« Carrie » Stephen King (parce que je n’avais jamais rien lu de ce type qui à priori est connu et qu’avec Barbershop, le groupe où je suis guitariste, on a une chanson qui s’appelle »Carrie White » et que je voulais faire le fayot).
Aujourd’hui »donc, Ernault et Bordaçarre.
Au-delà d’être les deux ouvrages le plus sanglants d’Antidata, ce qui serait réducteur et anecdotique, »Playlist » et »Protégeons Les Hérissons » sont très représentatifs du boulot de cette maison qui pourtant ne revendique aucune autre ligne éditoriale que celle de produire du texte court, : humour, fantaisie, iconoclasme, sarcasme, bon style et belle écriture »rock.’n’roll (et musique en général) pour Playlist, polar pour Protégeons Les Hérissons. Autre mise en lien, les auteurs eux-mêmes cette fois, : ils sont bruns, ! Non je déconne »deux touche-à -tout assez actifs. Christophe Ernault est le chanteur/musicien Alister et le rédacteur en chef de la revue (de haute volée) Schnock (qui vient de sortir son douzième numéro). Olivier Bordaçarre est romancier (quatre romans chez Fayard dont »Dernier Désir » sorti il y a quelques mois, qui a très bonne presse), metteur en scène, comédien, dramaturge me glisse le bio de la quatrième de couverture.
Playlist, Christophe Ernault, : paru en 2005, réédité avec les honneurs en 2013. Quatorze nouvelles folles et distinguées qui ne laissent aucune chance à leurs protagonistes principaux, jeunes, arrogants pour certains, dépressifs, attachants, idiots ou ambitieux. Ne me demande pas de te faire un topo sur les ambiances et les sujets, cela part trop dans tous les sens. l’imagination du sieur Ernault semble illimitée. Dis-toi juste que ce recueil est hilarant et qu’il ne manquera pas de te faire te poser quelques questions sur ton petit nombril »un essai sur l’ego presque. Ajoute à ça, comme en contrepoids à la richesse et la diversité – feinte – des thèmes abordés, une unité stylistique impeccable entre tous ces textes garnis de listings musicaux compulsifs, citations en tous genres, charmants manichéismes lapidaires, mentons d’un moule hellénique ou slave, peu importe, et nez à l’arrête machin ou bidule »l’homogénéité est poussée jusque dans la description des personnages. Il y a deux sortes de libraires, : ceux qui ont Playlist et ceux qui ne l’ont pas. Playlist mérite un million de fois plus d’égards que les atermoiements de toutes les ex-premières dames de France et d’ailleurs. Mais ça, tout le monde s’en cogne, !
Protégeons Les Hérissons (suivi de Jeunesse De Plomb), Olivier Bordaçarre, : Retour en deux textes très habiles, un » burlesque, » l’autre plus terre à terre et proche de la réalité, sur les affreuses et dramatiques aventures de Florence Rey et Audry Maupin. Sujet bien savonneux s’il en est, Bordaçarre se révèle être un as de la glisse, ! »Protégeons Les Hérissons » ce sont onze chapitres, onze narrateurs, onze morts (si tant est que tu considères qu’un tract puisse mourir), qui racontent l’histoire de deux soeurs qui décident »non qui ne décident pas »qui sortent un soir de notre réalité et de notre quotidien. Elles se mettent à semer les victimes sur leur passage et ces dernières font avancer le récit. Tu es très loin du fait divers original et inspirateur »tu le devines tapis dans l’ombre des mots, c’est tout. Je ne peux pas en dire trop parce que le texte, grosse nouvelle de quarante-cinq pages, est court. J’oserais presque la comparaison avec le »O Dingos, O Châteaux » de Manchette… je ne sais pas trop pourquoi… cette histoire de fille, de fuite ou la fin peut-être. La trame est d’une fluidité impressionnante malgré la complexité de la narration, la langue change à chaque chapitre. Tu croises entre autre l’archétype du pompiste facho – degré zéro de l’humanité, grand oublié de l’évolution – et son chien, énormes de connerie, les deux formant une entité unique au point que tu te demandes lequel, du rott ou du maître, a le plus déteint sur l’autre. Plus tu avances, plus tu comprends de quoi il retourne. Chacun de ces cadavres est plein de vie (sic…) et d’histoire, en quelques pages seulement, ils s’installent dans leur salon, leur famille et leurs travers. Peut-être le fait d’être comédien a facilité la tâche à Olivier Bordaçarre dans la réalisation de cette prouesse. Un texte hyper technique et plein d’âme(s). Jeunesse de plomb est encore plus court, peut-être la genèse du projet, très sombre, analytique, très adroit également avec une narration chronologiquement inversée. Plus proche de Maupin et Rey et forcément beaucoup moins drôle. Les deux récits se complètent et tu sors de cette lecture un peu hagard, tu t.’expliques un peu des trucs qu’en aucun cas tu ne peux justifier, cautionner ou je ne sais pas quoi »c’est savonneux je te dis »un as de la glisse, !
Voilà je suis comme ça, : Vive Christophe Ernault, ! Vive Olivier Bordaçarre, ! Et Vive Antidata, !
Stéphane Monnot
http://antidata.over-blog.com/