Didier Tronchet, auteur de bédés humoristiques, est parti vivre trois ans en Equateur avec sa femme et son jeune fils. De ses souvenirs, il en a tiré ce journal de bord bigarré et bourré d’anecdotes sur la ville de Quito et ses habitants, et sur ses escapades dans la jungle amazonienne et en Bolivie, sur le Salar d’Uyuni, le plus vaste lac de sel du monde.
Je l’admets, je n’ai jamais vraiment accroché aux histoires de Jean-Claude Tergal ni de Raymond Calbuth. Non pas que ce n’était pas drôle, mais d’une part le dessin ne m’attirait pas trop et de l’autre, le créneau » anti-héros beauf franchouillard à charentaises » était déjà occupé par les Bidochon qui restaient de loin les big boss ! Avec ces Vertiges, Didier Tronchet change totalement de registre, ce qui n’est pas pour me déplaire. Si généralement les personnages – surtout les européens – conservent la patte comique de l’auteur, les autochtones sont représentés de façon plus réaliste, comme si pour eux toute dérision était déplacée. De même, Tronchet s’attache à reproduire bâtiments et paysages avec un certain sens du détail, et se révèle plutôt habile dans l’utilisation des couleurs et des aquarelles, c’est même parfois très agréable à regarder, notamment les couchers de soleil qu’il pouvait admirer depuis la fenêtre de son appartement de Quito.
Sur le fond, ce n’est pas vraiment un carnet de voyage (Tronchet est demeuré la plupart du temps à Quito) et encore moins un documentaire – plutôt que journaliste, l’auteur se fait observateur voire simple touriste. Visiblement impressionné par ce pays haut en couleur, il a gommé toute trace de raillerie, ne laissant affleurer qu’un humour à la fois humble et candide, avec même quelques jolis moments de poésie. Quant au titre, il est plutôt bien choisi, la capitale équatorienne se trouvant à une altitude de 2 850 mètres ! A en croire le préfacier Patrick de Saint-Exupéry, rédac-chef de la revue XXI, cette expérience sous les cieux colorés de l’Amérique du sud aurait permis au » p.’tit gars du Nord-Pas-de-Calais » de se réconcilier avec lui-même et de tourner la page, laissant Calbuth et Tergal » vivre leurs histoires, sans plus avoir besoin de leur créateur « . Grand gamin de 56 ans » paumé et révolté » » légèrement empoté » Didier Tronchet semble être passé du cynisme à l’émerveillement, et cela a au fond quelque chose d’assez touchant.
Laurent Proudhon
Vertiges de Quito
Texte et dessin : Didier Tronchet
Editeur : Futuropolis
120 pages – 18,50 €¬
Parution : 21 août 2014