« P’tit Quinquin » passe des jours tranquilles dans son village de bord de mer du boulonnais, alternant mauvais coups avec ses copains et balades à vélo avec son »amoureuse » Eve., Une tranquillité apparente qui va être chamboulée par d’horribles meurtres commis dans ce village paysan du Nord., Deux policiers aussi nuls qu’improbables , mènent l’enquête au milieu de personnages loufoques.
Précédée d’une critique cannoise très élogieuse, la série de Bruno Dumont était attendue au tournant. Présentée comme un »Twin Peaks chez les Ch’tis » elle promettait de voir enfin une grande série comico-policière française. Disons le tout de suite, P’tit Quinquin, risque d’en décevoir plus d’un pour différentes raisons. La première étant qu’elle risque de rebuter les natifs du Nord, ses personnages givrés et mal léchés, parlant avec un accent parfois à la limite du compréhensible, faisant passer les caricatures nordistes de Bienvenue chez les Ch’tis pour des prix Nobel en puissance.
Et puis il y a le choix d’acteurs amateurs au propos desquels on se demande régulièrement s’ils ont appris leur texte ou s’ils sont franchement débiles. Mais Bruno Dumont parvient au contraire à retourner ces défauts en avantages, utilisant ce naturel pour des scènes burlesques hilarantes. Par exemple, Corentin, Carpentier sait à peine conduire : Dumont transforme les démarrages au volant de son personnage en running-gag efficace. Idem pour les tics de son collègue plus expérimenté.
L’exemple le plus flagrant de cette réussite comique reste dans le premier épisode la scène des obsèques de la première victime qui se transforme en jeu de cache-cache des prêtres derrière l’autel en pleine cérémonie. Une scène suivie par une prestation de chant d’une jeune fille qui interprète une chanson qui n’a rien à voir avec la victime, juste pour préparer un télé-crochet auquel elle participe. Le tout avec un organiste qui ne sait jamais s’arrêter comme s’il donnait le concert de sa vie avec notamment dans l’église un personnage cagoulé, le mari de la victime impassible et une troupe de majorettes.
On rit aussi à gorge déployée à l’arrivée du personnage de »Ch’ti-derman » malgré la blague éculée de son nom. Et pourtant, il ne s’agit que d’un enfant ch’ti habillé avec un déguisement de Spiderman tricoté à la maison qui se jette sur les murs et fait tomber l’oncle attardé de P’tit Quinquin en lui tournant autour. En fait, tout fait rire dans P’tit Quinquin tant la série est menée dans un état, de surréalisme permanent. Une chose que l’on aurait pas imaginée chez un cinéaste réputé austère comme Bruno Dumont. On sent surtout que le réalisateur et ses acteurs ont dû énormément s’amuser pendant le tournage et qu’ils le rendent bien au téléspectateur. Même le plus horrible devient drôle tant la série, baigne dans le grand n’importe quoi. Le sujet concerne quand même des corps retrouvés démembrés à l’intérieur de vaches (folles de surcroît) !
Le plus grand paradoxe est de rendre, attachant le héros éponyme de la série qui est pourtant, moche, parfois méchant voire violent, et raciste. Pourtant, ce sont les scènes où il apparaît, faisant souvent preuve d’une étonnante tendresse envers son amie Eve, qui affichent le plus de légèreté et de poésie, portée par les paysages magnifiques des plages boulonnaises.
P’tit Quinquin est en fait un véritable Ovni télévisuel, qui ne ressemble à rien d’autre, même pas à ses illustres références qu’il s’agisse de Twin Peaks pour le côté barré ou Broadchurch pour l’enqûete dans une région culturellement sinistrée. Cette belle réussite de Bruno Dumont n’est d’ailleurs ni vraiment une série télé, ni un film.
Julien Damien
P’tit Quinquin de Bruno Dumont, épisodes 3 et 4 jeudi 25 septembre sur Arte à 20 h 50.