Valérie est, comme la plupart des Valérie françaises, trentenaire approchant de la quarantaine, elle vit et habite dans un de ces quartiers nouvellement envahis par la » branchouille » parisienne des médias et de la culture. Evidemment, elle est seule, libre, un peu débauchée mais surtout seule. » Et pourtant elle n’a qu’un homme en tête en ce moment. Un seul, qui n’est pas là , soit, mais qu’elle traîne du matin au soir comme une bonne chanson. Un tube « . Thaddée, qu’elle partage avec sa maîtresse, est parti avec celle-ci en Italie. Elle reste seule, seule, elle n’ose pas appeler un de ses amants d’occasion, elle ne veut pas laisser croire qu’on la laisse à l’abandon, elle préfère assumer sa solitude et rentre chez elle à pied pour cuver l’alcool qu’elle a ingurgité au cours d’une soirée trop arrosée, quand brusquement une main se pose sur son épaule, celle d’un adolescent égaré dans la nuit qui lui demande l’hébergement pour la nuit, il est à la rue, il n’a rien d†˜un voyou, sent plutôt la bonne famille, elle accepte plus par lassitude que par conviction ou charité. Le gamin s’installe progressivement chez elle, prend ses aises sans vouloir lâcher un mot sur lui et les raisons de sa détresse.
Sa vie de femme libre et débauchée, de moins en moins sollicitée par des amants de passage – » Est-ce qu’on peut, est-ce qu’on doit appeler amour, ces élans excellents qu’elle a éprouvés pour un certain nombre d’individus et qui ont duré entre deux fois deux heures et trois fois un an ? « – bascule progressivement. Elle ne peut pas se résigner à renvoyer, pas plus qu’à adopter, son hôte de circonstance qui n’est plus un enfant mais pas encore un homme. La mère voudrait l’enfant, la femme cherche un amant stable, le conflit entre les deux la déstabilise, remet en cause tout ce qui a fait sa vie depuis qu’elle s’assume financièrement. Elle prend progressivement conscience de la puérilité de son existence et de la vacuité de sa vie sentimentale. » Les gens de télé, qu’ils se disent ou non journalistes, quelle sale engeance. On les prend pour des amis et on se fait sucer la moelle comme de pauvres, de pauvres »bovins abrutis. à‡a n’est pas que rien n’a plus de sens, mais que tout n’en a plus qu’un. Quand on ne pense qu’au fric ou à la notoriété, ce qui revient au même, il n’y a plus d’amis, que des sources « . Le dilemme qui existe entre ce qu’on veut réellement et ce qu’on s’avoue vouloir, la dualité entre la raison et les sentiments, entre la mère et la femme, l’envahit, elle va devoir choisir, adopter une nouvelle vie, changer d’amis »
A travers la vie de cette femme bousculée par l’intrusion d’un adolescent innocent, Anna Rozen, avec son écriture moderne, rapide, truffée d’expressions issues du langage parlé par la jeunesse branchée des beaux quartiers parisiens et du jargon des métiers des médias et de la culture, dresse une satire à la fois acide et amère d’une société factice, inconséquente, puérile et débauchée qui vit dans un monde virtuel, avec ses codes, ses moeurs et son langage, en marge des réalités ambiantes. Peut-être aussi une réflexion sur la vie et le sens qu’on lui donne.
Denis Billamaboz
J’ai eu des nuits ridicules
Roman français d’Anna Rozen
Editeur : Le Dilletante
224 pages – 17€¬
Parution : 1er octobre 2014