Ni très attendu ni très remarqué parmi l’actualité discographique de cette rentrée 2014, le nouvel album du trop discret groupe Foxes In Fiction mérite pourtant une halte plus que prolongée de votre part.
D’abord parce qu’il constitue une belle avancée dans l’art musical de cette formation drivée par le quasi one man band Warren Hildebrand, nettement plus accueillant que son opus précédent aux froids brouillards instrumentaux Swung From The Branches (inspiré il est vrai par la disparition de son frère, ceci expliquant cela). Et surtout parce qu’il procure un réel plaisir d’écoute de chaque instant.
Abordant plus franchement les rivages pop qu’auparavant, le jeune patron canadien du label Orchid Tapes nous prend par la main dès les premières secondes du March 2011 introductif (quelques belles notes de guitares grêles intimistes) pour un beau voyage en apesanteur, option résolument dream pop. Une catégorie déjà choisie avec des bonheurs inégaux par de nombreuses formations indie à la mode mais déclinée ici avec une grâce et une délicatesse rayonnantes.
Tout au long des sept compositions qui composent Ontario Gothic, Foxes In Fiction parvient à unir le minimalisme méditatif qui préside toujours à sa musique avec un onirisme pop angélique droit sorti des plus belles brumes rêveuses des années 80.
Disque-cocon aux faux airs de mini-cathédrale sonore, Ontario Gothic est à mi-chemin exact entre l’esthétique vaporeuse du mythique label 4D (tendance This Mortal Coil et son aréopage de voix féminines magnétiques) et celle de Wild Nothing, groupe-phare du récent label new-yorkais Captured Tracks.
Partageant la même sensibilité romantique que Jack Tatum et le même amour d’un son tapissé de réverbérations planantes, Warren Hildebrand, épaulé du violon magique du talentueux Owen Pallett, orchestre de sa voix androgyne timide mais d’une main inspirée ce voyage sur des terres sonores pourtant si familières.
On oserait avouer afin de mettre un terme à notre vieille tendance au name dropping qu’en fait le premier nom qui s’est imposé d’évidence c’est la figure de l’ami Vini Reilly qui, avec sa délicate guitare ascétique, signa la pop atmosphérique merveilleuse de Durutti Column, référence qui semble planer comme un nuage bienfaiteur au-dessus de ce bel album.
Un disque d’orfèvrerie fine à la délicatesse de fil arachnéen au charme somnambulique de rêve éveillé, où s’illustre avec un art de connaisseur les voix de sirènes de ses amies de label (Daisy Korpics, R.L. Kelly). Et qui, des futurs classiques dream pop (superbe Into The Fields ou romantique Shadow’s Song à l’atmosphère très Phil Spector ou Mazzystar) à la perle électro ambient Glow (vO79), révèle la limpidité mélodique atteinte ici par le jeune maître des lieux.
Ne cédant jamais à la moindre nostalgie d’antiquaire sonore, Foxes In Fiction réveille avec bonheur des ombres musicales aimées – même la regrettée Trish Keenan de Broadcast, c’est dire – et emporte notre conviction par la qualité des images et paysages émotionnels que sa musique crée en nous.
Havre de paix, refuge méditatif, aquarelles à la douceur consolatrice, nuages contemplatifs : les espaces intérieurs, créés par ce disque attachant sont de ceux que l’on trouve rassurant de reconnaître en nous. Comme un gage de notre humanité, fragile mais fraternelle.
Grand merci, monsieur Foxes In Fiction de nous l’avoir gardée bien au chaud au creux de ce disque-cadeau inattendu. Qui n’attend désormais plus que votre venue.
Franck Rousselot
Foxes In Fiction. Ontario Gothic
Label, : Orchid Tapes
Paru le : 23 septembre 2014
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