J’ai un profond respect pour la liberté artistique dont fait montre Jean-Louis Murat depuis toutes ces années. Voilà un musicien qui arrive a publier des titres quasiment variété il y a un peu plus de 25 ans avec la rousse égérie du genre, qui a fait du Calexico indé avec les popeux il y a presque 20. Et qui a du coup le droit a chaque album, de s’en aller explorer une facette de l’éventail allant du presque rock au presque folk en passant par la presque chanson française, avec une crédibilité à toute épreuve. Sans que personne ne reproche, ce serait un comble, les différents territoires du registre folk pop qu’il aborde.
Depuis quelques albums, l’auvergnat semble retranché sur ses terres , pour sortir au rythme de son envie et de son inspiration du moment, des disques qui arpentent la chaîne des monts par l’angle guitare voix. Depuis plusieurs albums, Murat est le gentleman farmer de la chaîne des puys.
Le nouveau, et double, album ne déroge pas vraiment à la règle, même si le bonhomme enrichit son écriture musicale de l’apport musical du Delano orchestra, pas manchot quand il s’agit d’arranger par dessus la verve de Jean-Louis Murat de jolies cordes, ou de cuivres aussi indispensables que discrets.
Murat chante Murol, le Sancy, la vie de village montagnard, á la mode pop qui l’éloigne pour toujours des folkeux de terroir ou de la variété Jean Ferratienne. Murat distille des mots signifiants, plutôt qu’une narration cousue, et ses histoires écrites sur le mode de l’incantation automatique sont plus suggérées que réellement racontées à l’auditeur. Il y a de l’impressionnisme dans la démarche et j’aime reconnaître des bouées porteuses de sens dans une suite de phrases au son desquelles je me laisse emporter.
Bref, Murat fait… Du Murat, servi dans un joli écrin musical qui soutient et enrichit les forces reconnues de l’auteur auvergnat.
Je me laisse surprendre, souvent. Mais depuis grand lièvre, et un certain désintérêt de Jean-Louis Murat pour le format couplet refrain pop, je dois reconnaître que je me sens moins bon public pour son oeuvre certes cohérente et inspirée auquel je reproche de fouiller la même veine (méthode à laquelle Murat ne m’avait pas habitué), avec plus ou moins de réussite dans la traduction du ressenti rural.
Je n’ai pas d’autre reproche d’ailleurs à faire à Babel que de constater que le musicien y démontre qu’il excelle à multiplier la description de toutes les facettes d’un folk pop régionaliste, genre qu’il a inventé pour lui-même et qu’il définit de manière quasi programmatique au long de ce double album réussi.
Alors évidemment si cette incarnation de Murat n’est pas aussi votre musique de prédilection, l’homme y tend peu de perches invitant à y entrer, à se laisser séduire, pour y venir peu à peu, par artifices. Dans mon cas, du coup, je me rends compte qu’un double album aussi unitaire dans son approche, n’arrive pas à me captiver jusqu’au bout. Et Babel cité rassembleuse, perd chez moi sa capacité au langage, universel.
Un album pour mordus. Mais des bons.
Denis Verloes
Tracklist
Label: Pias
Date de sortie: 13 octobre 2014
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La critique de Grand Lièvre