Deuxième album des délicieux Musée Mécanique, From Shores Of Sleep ne renouvelle pas l’art folk pop minutieux des discrets américains. Mais leur balade maritime prolonge de façon cinématique le charme de leur musique. Rêve, douceur et embruns poétiques.
Avec l’hiver qui s’est bel et bien couché à nos portes, on ne saurait trop refuser la moindre possibilité de s’envelopper de douceur, fût-elle juste musicale. Ainsi ce From Shores Of Sleep, paru aux jours encombrés de la rentrée, n’en révèle que mieux en ces actuels jours de frimas toutes ses vertus chaleureuses.
De toute façon, de ma part il aurait été difficile de passer sous silence ce deuxième album du groupe Musée Mécanique dont l’inaugural Hold This Ghost avait constitué mon album favori de l’année 2010.
Un délicieux – et toujours trop méconnu – recueil de folk songs rêveuses et radieuses aux mélodies et arrangements splendides, entre Grandaddy et Andrew Bird, précieuse bulle de douceur et de beauté fragile, qui rendaient jubilatoires la mélancolie et dont les orfèvres Micah Rabwin et Sean Ogilvie se sont enfin décidés à donner une suite.
Si le premier chapitre de la discrète formation venue de Portland alors proche de Grandaddy ou Elliot Smith, esquissait les contours d’un voyage en apesanteur dans une Amérique éternelle fantomatique réinventée, From Shores Of Sleep embarque l’auditeur à sa suite dans une ballade portuaire et maritime imaginaire, nourrie d’embruns salins et de promenades balnéaires en toute liberté.
Dès l’introductif O, Astoria! on retrouve de façon inchangée l’art subtil d’alchimistes sonores du duo et leur science d’une folk pop atmosphérique d’une grande maîtrise. Tellement inchangée que la première écoute peut même laisser sur sa faim, procurant un air de déjà-entendu trop sage qui peut décevoir.
Solution : laisser dormir quelques jours l’ensemble et y revenir en s’y plongeant sans idée préconçue, de la façon sans doute voulue par le duo créateur : en s’immergeant dans le bain quasi amniotique que revêt leur musique.
Suite de plages étales à la fluidité aquatique et aux vertus cinématiques, ce second opus même si très voisin de Hold This Ghost et sans doute moins intimiste ou émouvant que celui-ci pouvait l’être, développe pourtant une beauté atmosphérique ondoyante qui se rapproche autant de l’art d’orfèvres sonores tels David Bramwell d’Oddfellow’s Casino que du magicien ambient Jon Hopkins quand il oeuvre en compagnie de King Creosote.
Derrière la surface de leur library music bien peignée aux vocaux aériens, Musée Mécanique et leur pop toujours nourrie d’instruments anachroniques – harmonium, ondes Martenot, scie musicale – plaide pour les vertus de la rêverie ouatée (The Lighthouse And The Hourglass, The Man Who Sleeps), du lyrisme contenu mais évident (belle montée de The Open Sea), de la liberté d’esprit de baladins-marins (A Wish We Spoke) ou du néo-folk céleste tendance Crosby Stills Nash & Young (Castle Walls).
Et développe surtout sur la fin de leur virée maritime un art évoquant autant la pop atmosphérique savante qu’une disposition pour l’écriture de B.O. destinées au grand écran (la brillante triplette Along The Shore / Cast In The Brine / The Shaker’s Cask).
Volet aquatique et cinématique de Hold This Ghost, dont il manquerait juste un petit grain de folie pour en accentuer la vigueur, cette deuxième visite effectuée au Musée Mécanique ne les rendra sans doute pas plus populaires que ne le fit leur beau premier essai. Mais il suffira de faire fi de la relative indifférence médiatique qui les entoure car on cède vite à la discrète mais évidente beauté de la musique de ce groupe doué et attachant.
Ce vieux monde, quoi qu’il en dise, ne saurait se passer de douceur et d’appel au rêve. Maritime et iodé, de préférence.
Franck ROUSSELOT
Musée Mécanique – From Shores Of Sleep
Label : Glitterhouse / Tender Loving Empire
Sortie : 27 octobre 2014