Mal élevé, sale et obsessionnel, punk pour certains, le dernier film de Larry Clark échappe, et c’est tant mieux, à toute morale. On peut alors le lire comme un manifeste artistique nihiliste, dans lequel le cinéaste mêle provocation et introspection dans un récit à l’arrache, brut et désespérant.
À narration éclatée, réalisation à l’apparente improvisation, succession de scènes ne s’accordant pas forcément entre elles, morceaux de vie comme des pages déchirées. Matt et JP, les autres, une fille, l’argent semble-t-il facile, et pourquoi pas se prostituer, »faire l’escort » pour gagner un peu de tune…
Pas de futur, pas de sentiments, une jeunesse parisienne qui fait du skate près du Palais de Tokyo, se filme en baisant, se filme en tout, se drogue, puise dans l’immédiateté ce que l’avenir ne lui apporte pas. Les relations avec les parents sont inexistantes ou mauvaises, mises en exergue par une scène ultime dont la décadence fait échos aux Damnés… et nous emplit de terreur.
Pas de morale non plus quand un cinéaste assume son goût pour les hommes jeunes, à peine majeurs, et montre ce qu’il aime chez eux, les pieds, les jambes, le bas-ventre, les aisselles dont on veut sentir la sueur. L’odeur d’un cul, d’une bite, le désir montré ici tel qu’il est, c’est ça The smell of us, pas politiquement correct ni académique, mais fruit d’une démarche artistique en quête de liberté.
À peine un présent, pas vraiment d’avant, pas d’après, la jeunesse dont seul le corps s’exprime et s’épuise, miroir à peine déformé du monde qu’on lui offre, erre dans un film âpre et bancal aux interprètes maladroits, tétanisés parfois, déjà morts. Ce n’est pas confortable, ce n’est pas aimable, mais c’est du cinéma.
Pierre Guiho
The Smell of Us
Film français réalisé par Larry Clark
Avec Lucas Ionesco, Diane Rouxel, Théo Cholbi…
Genre : Drame
Durée : 1h28
Sortie : 14 janvier 2015