Romantisme ligne claire et mélancolie pop en bandoulière, le trio Baden Baden signe un classique instantané, au goût d’attrape-coeurs euphorisant. Coup de coeur.
Évidemment, on attendait avec impatience ce deuxième album de Baden Baden. Évidemment, la joie le disputait à la peur d’être déçu. Évidemment, on avait grandement tort. Car évidemment, leur Mille Éclairs est LE coup de foudre de ce début d’année.
Deuxième chapitre des aventures discographiques des Baden Baden dont l’inaugural Coline avait ensoleillé la scène française en 2012, ce nouvel opus du trio parisien, publié chez Naïve Records, enchante au-delà de nos espérances : la confirmation que le charme lumineux de leur pop ligne claire distillée sur Coline, non seulement, se renouvelle mais se pare aussi d’une ampleur et d’une vigueur tonifiantes.
Abandonnant ses anciens va-et-vient entre la langue anglaise et celle de Molière, l’écriture d’Éric Javelle, désormais uniquement française, procure un fort sentiment d’intimité à la musique du trio – Julien Lardé (guitare) et Gabriel Vigne (batterie) – éclairant sous un jour plus personnel voire confessionnel, la chanson pop du groupe, bénéficiant ici du renfort de la basse de Jérôme Arrighi et de la trompette élégiaque d’Arno de Casanove.
Mêlant déjà chanson française et pop anglo-saxonne, à la fois enfants des Smiths, Gamine et Souchon ou petit-cousins de Thom Yorke, Florent Marchet et groupes du mythique label Sarah Records, Baden Baden persévère avec bonheur dans la voie fructueuse qu’ils se sont forgée pour un résultat évident.
Bijoux sensitifs aux choeurs aériens où l’euphorie pop et l’exaltation post-adolescente le disputent aux tourments existentiels, principalement amoureux (J’Ai Plongé Dans Le Bruit), les onze titres de Mille Éclairs dessinent un paysage émotionnel et sonore large ouvert, auscultant le couple sous tous ses états.
Tout en maintenant le cap d’une chanson pop lisible et mélodique dont l’écrin musical aux couleurs shoegaze conçu par le producteur français Fred Lefranc et mixé par l’anglais Barny Barnicott, ample et cinématique, capte les humeurs et les climats changeants, Baden Baden diffuse bien haut la mélancolie qui espère, le spleen confiant, l’élégance faussement désinvolte, le romantisme inquiet.
Alternant pop songs fiévreuses illuminées par la prose aux accents juvéniles et le timbre touchant d’Éric Javelle décorées des arpèges délicats de Julien Lardé (L’Échappée), traversé de plages plus méditatives (Finalmente) et s’autorisant déflagrations sonores plus orageuses (À Tes Côtés et L’Élégance Avec, morceaux de bravoure du disque), le voyage de Mille Éclairs est de ceux, lumineux et addictifs, dont on est sûr d’emprunter longtemps les sentiers, les côtes parfois escarpées comme les versants vallonnés.
Mille Éclairs c’est la joie incertaine des virées de bord de mer improvisées (Hivers), la post-adolescence enfumée des nuits de veille aux amours mal fichues (Dis Leur, arrache-coeur immédiat), l’espérance du ciel bleu des amours débutantes peut-être cernées de nuages gris (À Tes Côtés) ou le farniente rêvé des étés italiens (M.A.C.) tentant d’échapper à la désillusion des amours urbaines (Depuis Toi, L’Élégance Avec).
Avec ce disque plus qu’abouti, Baden Baden a tout pour séduire un très large auditoire (et mériterait en passant de rallier à sa cause le jeune public d’animaux chantants encapuchonnés portant hashtag#, mais refermons la parenthèse).
Un beau voyage immobile au sourire mélancolique, rayon de soleil pop trouant le ciel de l’hiver, que referme un superbe Criminel cinématographique au temps suspendu et aux accents de regret.
Il serait surtout criminel de ne pas succomber à ce doux orage radieux et électrique. Criminel, mais heureusement impossible : l’avenir de la pop made in France passera par Baden Baden.
Franck ROUSSELOT
Baden Baden -Mille Éclairs
Label : Naïve
Sortie : lundi 09 février 2015