Peu de romans sont consacrés à la description de la vie des colons dans l’Algérie du XiXème siècle. Mathieu Belezi, qui termine par Un faux pas dans la vie d’Emma Picard sa trilogie algérienne après C.’était notre terre et Les Vieux Fous, y fait parler Emma Picard, une veuve qui décide de traverser la Méditerranée, après avoir eu vent de cette proposition du gouvernement français d’allouer des hectares de terre aux colons, pour encourager le peuplement de l’Algérie, lieu de colonisation, nouvel horizon promis à tous les aventuriers tant soit peu audacieux et volontaires.
Dans sa préface, Mathieu Belezi fait allusion, comme source d’écriture de ce récit, à l’ouvrage de l’historien Pierre Darmon : l’Algérie des passions, ouvrage qui révèle ce que furent les conditions de vie dans l’Algérie des années 1860 et suivantes : épidémies, sécheresses, attaques de sauterelles, tremblements de terre «
C.’est ce cadre historique que reprend Mathieu Belezi dans son livre, dont l’originalité tient à l’absence partielle de ponctuation entre les phrases, et à l’utilisation systématique de l’apostrophe à l’un des personnages, Léon, l’un des fils d’Emma Picard. Après s’être installée dans sa ferme, non loin du village de Mercier-le-Duc, Emma et ses fils, Charles, Léon, joseph, Eugène, vont de désillusion en désillusion : la terre n’est pas généreuse en Algérie, elle se dérobe, elle est avare. l’eau y est rare, les catastrophes naturelles aussi. Jules Letourneur, un révolutionnaire convaincu, lui apporte quelque assistance, il la seconde dans les tâches quotidiennes. Mékika, domestique arabe, tente lui aussi d’aider Emma Picard, dans sa tentative de créer un domaine agricole prospère. Las, les catastrophes naturelles, l’avarice d’un créancier sans scrupules, la mort de l’un de ses fils, Joseph, ont raison du volontarisme d’Emma Picard, qui finit par maudire cette terre d’Algérie : » parce que devant toi je me sens coupable de vous avoir entraînés dans cette aventure coloniale sans queue ni tête qui ne nous a menés à rien, qui ne nous a rien rapporté, sinon des souffrances quotidiennes (« ) coupable d’avoir écouté cet homme à cravate assis derrière son bureau de fonctionnaire, d’avoir cru à son boniment, de vous avoir entraînés sur des terres qui ne veulent et ne voudront jamais de nous. «
Pertinente réflexion sur le sens et la trace de l’aventure coloniale, cent trente ans après »
Mathieu Belezi réussit le pari d’éclairer cette période par la fiction romanesque, en décrivant le sort de cette famille, dont on se dit qu’il fut partagé par beaucoup à cette époque, et annonciateur des drames futurs de l’Algérie française.
Stéphane Bret
Un faux pas dans la vie Emma Picard
Roman français de Mathieu Belezi
Éditions Flammarion
255 pages – 18€¬
Parution : 7 janvier 2015