Ainsi donc, le nouvel album du chanteur israélien à la voix androgyne est le fruit d’une douleur, celle d’une rupture sentimentale dans lequel le chanteur a puisé pour trouver l’inspiration. Cette histoire, mille fois utilisée par les maisons de disques pour attirer le chaland, pourrait laisser supposer que le troubadour à la coupe iroquoise va nous servir une musique pleine de sentimentalisme, nous plaçant malgré nous dans la position de voyeur.
Cette crainte est complètement effacée dès les premiers accords du titre d’ouverture, Over My Head, titre qui sonne comme un classique des sixties ressuscitant presque Janis Joplin. Certes, on sent le jeune homme à fleur de peau mais on le retrouve tel qu’on l’aime, puisant son inspiration dans le folk et le blues.
The clouds are gathering in the sky above I know this one’s gonna hurt my love cite le chanteur sur » Ode to my thalamus » le ton est grave c’est vrai mais l’heure n’est plus aux lamentations. Au contraire, on sent désormais une force intérieure guider Asaf Avidan, comme un phare au milieu de la tempête. Il en ressort des moments de toute beauté comme sur My tunnels are long and dark these days, chanson de cabaret à la Kurt Weil, où il est question d’amoureux tels des taupes perdues dans l’obscurité des tunnels, à la merci de crocodiles affamés. Tout n’est que paraboles et métaphores chez Asaf Avidan.
Domptant la douleur pour en faire une force motrice, Asaf Avidan puise dans le blues et dans la folk et convie tour à tour à sa fête rédemptrice les fantômes de Leonard Cohen (sur le magnifique et très Suzanien The Labyrinthe Song), de David Bowie sur le rock bluesy The Jail sets you free, ou même de Tom Waits (A Part of This) même si leurs voix respectives sont diamétralement opposées.
Enfin, comment ne pas citer Gold Shadow, pierre angulaire de l’album, placée juste au centre, pour mieux rappeler son importance. Chanson à la fois douce et sinueuse où il est encore question de rupture : But now there’s a girl out in a boat Her arms are outstretched and she’s barely afloat
There’s a man on the shore, a rope in his hands. Asaf Avidan est peut-être resté à quai, mais il magnifie mieux que nul autre, les turbulences de l’âme.
Julien Adans