La musique de Jessica Pratt aurait pu être composée dans les années 60 qu’on n’en aurait pas été surpris pour autant. Mais non, cette jeune chanteuse san-franciscaine est bien de notre époque et son freak-folk fragile est bien ancré dans la réalité d’aujourd’hui.
Son premier album éponyme avait été dévoilé avec l’aide d’un certain Tim Presley (White Fence) qui avait tout spécialement créé son label Birth Records pour l’occasion.
On retrouve chez Jessica Pratt l’âme des grandes chanteuses folk, Karen Dalton en tête. Le songwriting de la chanteuse est profond et intime et résonne dans nos têtes jusqu’àdonner la chair de poule. Certains pourraient critiquer le choix de la jeune artiste pour un folk trop respectueux et ancré dans la tradition américaine. La voix singulière de Jessica, donnant l’impression par instants d’être trempée dans l’hélium, peut aussi être sujet à débat.
C’est pourtant pour toutes ses particularités que la voix de Jessica Pratt nous envoûte sur son nouvel album « On Your Own Love Again « . La musique y est délicate et délivre un sentiment de solitude rappelant les grands espaces américains. Basée àLos Angeles, Jessica Pratt récite des chansons qui semblent être figées dans le temps. Les influences de la jeune chanteuse sont faciles àdeviner: Joan Baez, Joni Mitchell ou plus récemment Alela Diane.
Même si l’atmosphère qui se dégage de l’album, empreinte des déboires récents de la chanteuse (rupture sentimentale, décès de sa mère), porte en elle son lot de tristesse et de mélancolie, Jessica Pratt parvient parfaitement àilluminer ses chansons comme sur le planant « Back, Baby » certainement le titre le plus accessible de l’album.
De sa voix de femme-enfant, Jessica Pratt semble parler àdes fantômes ou des êtres disparus, ses mots plaintifs résonnent d’autant plus que sa musique est minimale. Comme pour se protéger, la californienne n’évoque jamais de front ses blessures et doutes, tout y est suggéré. Parfois, la musique semble dissonante (« I’ve got a feeling « ), mais elle n’en reste pas moins harmonieuse et envoûtante, preuve du savoir-faire de la dame.
On pourrait craindre de se lasser àl’écoute de ces neuf chansons qui semblent àpremière vue uniformes et répétitives, ce serait leur faire un faux procès tant cet album introspectif séduit par sa cohésion et ses harmonies. Le temps suspend son vol àl’écoute de cet album intemporel qui nous réconcilie avec le monde un bref instant.
Julien Adans
Jessica Pratt – On Your Own Love
Label : Drag City / Modulor
Sortie : 26 janvier 2015