Philemon Cimon – L’été
Se laisser envelopper par la chaleur de « l’été », celui que nous propose Philémon Cimon, éternel romantique adolescent, c’est revivre le jeu contrasté de l’amour et du hasard, avec ses pics et ses déboires, un jeu de dupes semble nous dire le chanteur montréalais, mais dont on ne sort jamais rassasié, tout comme de sa musique, douce et poétique.
ll suffit parfois de peu de choses pour découvrir des petits trésors musicaux. Comme être attentif par exemple aux sorties régulières de La Souterraine, label activiste et défricheur d’une nouvelle chanson française. Le dernier volume en date du label, le sixième déjà, regorge de ces titres dont on sait dès la première écoute qu’ils n’ont pas fini de nous accompagner dans la vie de tous les jours. Moi j’ai confiance de Philémon Cimon, titre fougueux et romantique, fait partie de ceux-là.
Avec sa voix unique, dont on ne décèle pas immédiatement si c’est celle d’un homme ou d’une femme, ni son accent typique de Montréal, Philémon Cimon nous ensorcelle littéralement, d’abord avec douceur au piano avant que les cœurs ne s’emballent avec le rythme et que la fougue amoureuse fassent sonner les trompettes d’une fanfare imaginaire chère à un autre dandy voyageur, à savoir Beirut.
S’arrêter cependant à ce titre serait faire une injustice à cet artiste des temps modernes car son album, intitulé l’été, le deuxième de sa carrière, est une parenthèse poétique dont on ne se remet pas. Il pourrait être une sorte de frère québécois d’un Alex Beaupain, tant les thèmes abordés dans ses chansons ressemblent à ceux de l’auteur des « chansons d’amour ». Il y est question de détresse (« Chanson pour un ami »), de rupture et bien sûr d’amour passé (Où je me perds), sans avenir (Julie July) ou naissant (Par la fenêtre). Comme avec Beaupain, la mort n’est jamais très loin de l’amour, l’insouciance juvénile de la désillusion.
Malgré ces thèmes parfois sombres, il se dégage de cet album une chaleur humaine, une énergie charnelle, grâce en particulier à des arrangements délicats qui font la part belle aux instruments à vent comme sur le très beau «Soleil blanc» où le saxophoniste Néstor Rodriguez Vilardell fait des étincelles à la fin du morceau.
Le parti pris du jeune chanteur est d’accompagner ses textes poétiques par une musique lo-fi, arrangée avec soin par Philippe Brault, le réalisateur, pour privilégier l’impression de spontanéité et presque d’improvisation qui se dégage de l’ensemble (l’album ayant d’ailleurs été enregistré en 3 jours seulement). C’est dans cette optique qu’a été sollicitée la crème des musiciens montréalais (Sarah Pagé, Howard Bilerman).
Le résultat est très mélodique, avec des petites pointes plus rock par moments, une recette qui rappelle le travail de Pierre Lapointe, un autre protégé de Philippe Brault. Un titre comme « Au cinéma », à la tonalité pop rock assumée, aurait pu figurer sur un album de l’auteur des « sentiments humains ».
L’été se veut un album naturel et sincère, aux rythmes changeant au gré des humeurs de son auteur. Un disque aussi réussi qu’imparfait, qui préfère capter l’instant présent et l’émotion pour mieux tromper l’ennui voire la mort, « histoire d’endormir le temps, calculateur impénitent, de tout embrouiller dans le fatidique sablier » comme le chantait Brassens.
Julien Adans
Philemon Cimon – L’été
Label : Audiogram
Sortie : 26 janvier 2014