Avec ce nouveau texte, Laurent Graff (Grand absent, Selon toute vraisemblance), signe un petit bijou qui en surprendra certains mais qui ravira les esthètes de la langue française qui sauront le goûter et l’écouter tout en le lisant.
« Une légende raconte qu’une île est la bosse émergée d’un dromadaire sous-marin, et les vagues, les cahots du chemin ». Cette phrase introduisant la dédicace que l’auteur m’a adressée, pourrait être la première phrase de ce livre original, ni roman, ni récit, un texte, tout simplement un texte, mais quel texte. Il se compose de deux parties : une première constituée d’une série de phrases courtes, ciselées, épurées au maximum, poétiques, un carpaccio de texte découpé en fines lames déposées chacune sur une feuille blanche, des tranches que l’on déguste l’une après l’autre sans aucun assaisonnement, le goût de chaque tranche se suffisant à elle-même. « Plusieurs bancs sur l’île. Bittes d’amarrage du promeneur. On y noue la corde de ses fesses ». Une première partie qui évoque l’idée d’une île que l’auteur fait surgir du néant à travers les quelques mots qu’il disperse sur des pages blanches.
La seconde partie raconte, en un court récit, ce qui se passe sur cette île que l’auteur a fait surgir de ses mots, l’île d’Houat où il aime se réfugier. « Le bonheur n’est pas forcément mon objectif. Mais il n’y a qu’ici que je touche au but ». Il met en scène un huis clos entre quelques personnes influentes de l’île qui se réunissent autour d’une table pour évoquer l’avenir de l’île et notamment le tournage d’un film que les autorités locales croient que l’auteur est venue préparer. A force de boire, le fantasme des habitants prend corps sans que l’auteur les contredise, au contraire, il les accompagne dans leurs élucubrations. Cette longue discussion, dans la pénombre d’une maison de marin, alimentée de bolées de champagne, raconte la vie sur l’île, l’insularité, l’éloignement, le clanisme insulaire, la résistance à l’invasion touristique mais aussi la fuite des forces vives et l’ennui. « Aujourd’hui, à part lever le coude, il n’y a plus grand-chose à faire. On ne remplit plus les filets, mais les verres. On dilue le temps dans l’alcool, on sirote son ennui, on se noie à l’air libre. La vie est une bonne nouvelle qu’on arrose en permanence ».
Un très joli texte, très original dans sa forme et très pur dans sa construction, un petit bijou qui en surprendra certains mais qui ravira les esthètes de la langue française qui sauront le goûter et l’écouter tout en le lisant. « La solitude dans le vent à un son ».
Denis Billamboz
Denis Billamboz
Au nom de Sa Majesté
roman français de Laurent Graff
Editions : Le Dilettante
160 pages – 14€
Parution : 8 avril 2015