Premier LP de compositions originales du combo toulousain, Cover Me confirme le talent d’orfèvre de Jean-Pierre Isnardi, nostalgique devant l’éternel du shoegaze et des heures glorieuses du label Sarah Records.
Pépites méconnues de l’indie rock français, les deux albums de reprises de Pas de Printemps pour Marnie, My bloody covers paru en 2008, version pop de l’inusable Loveless de My Bloody Valentine et Nuit fièvre sorti en 2010, classique disco des Bee Gees, sont devenus des références dans l’art du pastiche musical, faisant preuve d’une délicieuse insolence. Et ce, bien avant la mode des reprises décalées, lancée avec le succès que l’on sait, par Marc Collin, Olivier Libeaux et leur Nouvelle Vague.
Pas de Printemps pour Marnie, combo toulousain à l’identité insaisissable, est comme le Zelig de Woody Allen, prenant l’apparence et la personnalité des artistes qu’il admire pour mieux se faire accepter et aimer. D’autres parleront plutôt de vol, faisant immanquablement référence à l’héroïne du film d’Hitchcock dont est tiré le nom du groupe, pour parler de cette fâcheuse tendance à s’emparer de la musique des autres. Relecture amoureuse au goût prononcé pour le contrepied musical serait une définition peut-être plus fidèle au travail du groupe.
Premier LP de compositions originales, Cover Me est une collection de chansons pop, où l’on décèle les influences du shoegaze (Be On Your Own), plus loin des sonorités acidulées rappelant davantage les réalisations de Nouvelle Vague (Who Understand), et où l’on se confronte à des passages plus brut et plus rock lorsque la puissance sonore des guitares se lâchent épisodiquement sur l’album comme sur l’instrumental Sister.
On retrouve aussi cette habileté à façonner des chansons où se mêlent folk et électro à la manière d’un Stereolab ou d’un Broadcast (Well for 82). Des références musicales parfois envahissantes, quand on se met à les comparer aux réalisations du groupe, mais qui reflètent aussi les qualités hors-pair de mélodiste et d’arrangeur de Jean-Pierre Isnardi, leader incontesté du projet. Il faut dire que ce dernier, qui officiait auparavant en tant que guitariste du groupe My Favorite Dentist Is Dead, a su bien s’entourer sur ce nouvel opus en conviant Jens Bosteen (chanteur folk du label 2000 Records). Anaïs Andret-Cartini et Clémentine Darros-Schook pour prêter leurs voix à ces comptines pop.
Le résultat reste étrangement dans la lignée des deux albums de reprises précédent, nous laissant presque imaginer à quoi auraient pu ressembler ces chansons avec les larsens et les murs de guitares de My Bloody Valentine ou les boules à facettes des Bee Gees. L’album s’ouvre sur le très réussi Altogether, porté par une rythmique lancinante et des claviers hypnotiques, créant une ambiance feutrée voire quasi-religieuse, impression renforcée par le timbre de Jens Bosteen, à mi-chemin entre Damon Albarn et le ton tout aussi solennel d’un Brendan Perry sans ses Dead Can Dance.
Les voix féminines, souvent évanescentes, nous emmènent vers les hauteurs de sommets lumineux comme sur l’entrainant Mankind, titre proche des Breeders (on croirait presque entendre une autre voix familière, celle de Kim Deal). L’album tient aussi son titre phare avec First Seventh, l’électro pop de Jean-Pierre Isnardi touchant son apogée dans la rêverie et la douceur.
Cover Me est-il le Tender Buttons des toulousains (pour revenir à la flatteuse comparaison avec Broadcast) ? On peut l’affirmer sans hésiter. Reste bien sûr aux élèves studieux de réaliser un jour le rêve pieux d’atteindre ou même dépasser leur maître. Davantage de lâcher-prise et une personnalité plus affirmée capable de s’affranchir des modèles existants, sont probablement les clés pour y parvenir. Bientôt le printemps pour Marnie ?
Julien Adans
Pas de Printemps pour Marnie – Cover Me
Microcultures / Differ-Ant
Sortie : 28 avril 2015