Bill Fay – Who Is The Sender ?

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Splendeur complète, ce quatrième album de Bill Fay est le cadeau de ce printemps. Un disque aux airs de classique instantané où le discret songwriter anglais revenu de l’oubli déploie tout son art. Grandeur spirituelle et humanité apaisée s’y côtoient en tutoyant les anges. Un des disques de l’année.

Bill Fay-Who Is The Sender?-2015En point d’orgue d’une saison musicale déjà riche en beaux moments, en cette dernière semaine d’avril, voici que vient d’éclore, à égalité avec le nouveau Sufjan Stevens, le plus beau bourgeon de ce printemps éclatant.
Trois ans à peine après son retour inattendu opéré avec le splendide Life Is People, la voix profonde de Bill Fay, délicatement voilée par le temps, résonne à nouveau.
Avec ce quatrième album magistral, le songwriter trop longtemps oublié confirme en beauté que ce retour était loin de n’être que son chant du cygne mais bien une réelle renaissance artistique.
Sur ce disque résonnant comme la suite naturelle de son opus gagnant, entouré de la même équipe de fidèles (le fan David Tibet, le producteur Joshua Henry), la voix chaude de ce héros trop discret du folk anglais se pose à nouveau sur des harmonies intemporelles et fait toujours entendre sa douce humanité.
Les premières mesures de War Machine, single carte de visite, méditation sur la violence et la guerre, aux notes d’orgue d’église et d’arpèges de guitare, indiquaient à l’auditeur confiant que cet album serait l’incarnation même de la musique de Bill Fay, au parfum de gravité, de douceur et de recueillement spirituel.
Dressées dans ce somptueux écrin au charme élégiaque, tissé autour d’un piano fondateur et orgue gospel (Something Else Ahead, The Geese Are Flying Westward), cordes soyeuses ou chœurs caressants (War Machine, World Of Life) et violons à l’âme celtique (Who Is The Sender?) les compositions intimistes et habitées du musicien anglais résonnent d’une intensité épanouie, entre grandeur vibrante – le morceau-titre – et émotion consolatrice, élégante et digne. Et émouvante.
Celui qui aurait amplement mérité avec ses deux brillants albums de jeunesse une petite place entre Nick Drake, Tim Hardin et Van Morrison, déploie sur ce disque à l’évidence de classique instantané, moins « dylanien », moins bluesy et encore plus foudroyant que le précédent, toutes les facettes de son art.
Mélodiste lumineux (War Machine, A Page Incomplete), crooner métaphysique (Underneath The Sun), prêcheur magnétique (How Little ?), évangéliste apaisé (A Frail And Broken One, Bring It On Lord) : on pourrait détailler les vertus de chacun des titres de ce recueil débordant de chaleur et d’humanité, bréviaire rassurant pour nos heures de doute et soirs d’incertitude.
On se contentera juste de nommer la beauté irréelle comme tombée du ciel, nuage d’inquiétude et magnétisme apaisant de Underneath The Sun, pur joyau d’élégance crépusculaire, d’une classe et modernité musicale entre The Blue NileJoseph Arthur et Bill Callahan, meilleur porte-étendard de la réussite totale de cet album accompli d’une totale dignité.
Un signe d’ailleurs pas innocent que ce disque de sage étonnamment serein de la part d’un artiste si longtemps éloigné de son art se conclue par la reprise apaisée de son I Hear You Calling de jeunesse : manière de saluer en forme de discret clin d’œil dénué de la moindre amertume un parcours des plus accidentés. Mais qui, par la noblesse de son inspiration et l’humanité fraternelle de sa musique, continue de faire toujours de nouveaux adeptes.
« I want to say « Thank you » / To the unknown sender / Far away » chante le vieux gentleman anglais sur le beau morceau-titre, s’adressant à un hypothétique créateur tout-puissant.
Nous, auditeurs avons plus de chance, nous savons à qui adresser nos chaleureux remerciements pour ce doux chef-d’œuvre intemporel. Just : “Thank you, Mister Bill Fay”.

Franck ROUSSELOT

Bill Fay – Who Is The Sender?
Label : Dead Oceans / PIAS
Sorti le : 27 avril 2015