Initié au moment du Printemps arabe et des mouvements contestataires en Espagne et influencé par ces évènements, Fertile est un album visionnaire, alliant puissance de feu et créativité d’esthète. Une vraie réussite.
Métronomique comme un bon titre Indus, enrobé de claviers fous comme au bon temps du prog rock, violent comme du hardcore, visionnaire comme du post-rock, telle pourrait être le résumé – forcément grossier – du deuxième album de Stearica. Pour un peu, ce trio originaire de Turin, c’est un peu la rencontre de N.I.N., Yes, Russian Circles et Godspeed You Black Emperor poussée par une énergie puissante et offensive et une tendance à enfermer l’auditeur dans des paysages musicaux oppressants. La basse est furieusement mise en avant, les guitares attaquent dès qu’on baisse la garde, la batterie martèle à tout va mais de cette force affichée, le trio italien sait jouer avec la nuance, l’originalité, la recherche formelle.
Une intensité sans cesse aux abois et le sentiment de se prendre un roc de métal sur la tête (sur tout le début de l’album) devrait nous pousser dire rapidement « n’en jetez plus », fatigué par tant de surcharge. Au contraire, on en redemande, Stearica arrivant toujours à prendre des chemins dérobées, à faire des contre-pieds déroutants, et à se montrer créatif et surprenant. Comme aussi d’inviter Colin Stetson, associé au label Constellation, à jouer de la flute, du cor et du saxo sur Shâh Mat, le morceau de bravoure du disque en pleine errance formelle arabisante.
Sinon, dans cet album largement instrumental, Ryan Patterson (Coliseum) vient hurler sur Nur et Scott Mc Loud (Girls against Boys) pose sa voix au grain inimitable sur Amreeka, léger et fuyant comme un vol de colibri. Derrière les gros bras, une finesse d’horloger et un album qui donne à voir.
Denis Zorgniotti
Stearica – Fertile
Label : Monotreme records
Date de sortie : 13 avril 2015