Après A et B, Turzi revient en 2015 avec C, un album racé et atypique où il est encore question de krautrock mais aussi de musiques de films. Profitons de cette nouvelle parution pour faire un petit tour d’horizon des goûts musicaux de Romain Turzi qui, pour l’occasion, nous a pioché dans sa discothèque personnelle quelques pépites.
5 disques du moment :
Tangerine Dream – Tangram
Le Dream à son apogée ! 82 si je me souviens bien : les technologies numériques pointent le bout de leur nez, comme à leur habitude, ils sont à la pointe et s’engouffrent dedans tout en les faisant co-exister avec le top du synthétiseur analogique. Pur régal : ambiant, atmosphérique.
Ce groupe est la référence absolue de Gerald Donald (Arpanet, Dopplereffekt, Japanese Telecom). Ce disque comporte des passages entiers pompés par Tortoise il y a plus de 15 ans.
J’ai diné un soir avec Edgar Froese et sa (jeune) femme, c’était un être délicieux, sensible et très gourmand. Paix à son âme.
Gong – Continental Circus
Première BO pour Gong fraîchement installé en France, premiers enregistrements aussi si je me souviens bien. Un BO pour un film de course de motos. Ils jouent donc vite mais il y a toujours ce petit truc qui plane au dessus de la grosse machine représentée par la section rythmique : le son de Gong, leur signature, les Glissando de guitare de Daevid Allen associé au Space Whisper de Gilli Smith, sa femme. J’ai aussi eu l’occasion de le rencontrer, c’était un personnage authentique, il vivait vraiment à l’image de ce qu’il laisse paraître dans son disque : à la fois poète, illustrateur, musicien… C’est encore une grande perte pour le rock-n-roll, ou plutôt pour le « cheese rock », dénomination qu’il a créée lors de l’album suivant, le très bien nommé Camembert Electrique.
B Bekele, G Itana, Imperial Army Band, Tilaye Chewara and the Army Band, Muluken Melesse & Venus Band, ….
J’ai récemment hérité d’une quarantaine de 45t tours Philips phonogram for East Africa, reconnaissables à leur rondelle rouge, soit tout un lot de musique pour la plupart rare (très rare même) et pas toujours ré-édité. Le seul problème est qu’ils sont tous en piteux état : ils n’ont pas de pochette, ils crépitent, craquent ou sont rayés mais tout ça joue en leur faveur, ajoutant ainsi une sacrée dose de mystère… La musique éthiopienne est réellement fascinante car en tant qu'(ancienne) colonie italienne, ils ont bénéficié des instruments produits en Italie qui ont fait les grandes heures du rock garage (les guitares Eko, les claviers et amplis Farfisa). C’est un son qu’on connaît, sauf que ceux qui en jouent ont un groove et une approche bien à eux, quasiment impossible pour nous, blancs becs européens, à imiter. Des génies, méconnus, qui n’ont pas eu le droit au Panthéon du Rock et c’est bien dommage.
Sonic Youth – The Destroyed Room
Des b-sides et enregistrements inédits provenant des sessions de leur dernière période. Ils ont d’intéressant qu’ils contiennent des ébauches de chansons, ne sont pas structurées, et qu’on touche là l’essence de ce groupe. Leur son, leur approche était unique… Ils contiennent pour moi l’essentiel : des guitares qui se cherchent, qui expérimentent de leur côté et qui se rejoignent pour finir par fusionner pour enfin laisser entrevoir la perspective d’un futur morceau.
My Bloody Valentine – m b v
Dernier album du groupe attendu depuis 25 ans et ce qui est incroyable c’est qu’il est MORTEL !!! Rien ne laisse croire qu’il a été fait il y a trois ans. Ils sonnent comme avant, d’ailleurs ils ne sonnent comme personne. Ils ont eux aussi créé de toutes pièces leur propre environnement immédiatement identifiable et très difficilement imitable. Des génies. En plus sur scène, la puissance est au rendez-vous. Je ne peux que remercier une copine grâce à qui j’ai pu aller les voir : en effet elle avait acheté ses places trois mois avant, mais entre temps, elle est tombée enceinte et son médecin lui a fermement interdit d’y aller… coup de bol !!! Femmes enceinte s’abstenir donc…
5 disques pour toujours :
Alessandro Alessandroni – Light and Heavy Industry (Coloursound CS 6)
Un bon disque de musique au kilomètre sur lequel je reviens tous les mois. Qu’il soit intéressant et inspirant est une chose, mais il est aussi oppressant et inquiétant. Alessandroni, le siffleur et guitariste de Morricone, aurait utilisé le studio de Piero Umiliani pour cette session, du moins c’est ce que je crois puisque Finder Keepers vient de ré-éditer Industrial qui manifestement sonne exactement pareil et les instruments utilisés sont les mêmes : du piano préparé, du VC3, des guitares sous toutes leurs formes et du banjo. Magnifique, pas toujours facile d’accès mais pour moi il fait office de référence absolue.
Can – Ege Bamyasi
Voilà nos voisins frontaliers qui vivent dans un château près de Cologne. Tout l’abum vaut le coup. Ce disque est un manifeste, un must, un besoin. Produit par Holger Czukay, qui, en plus de jouer de la basse dans le groupe, de s’occuper de l’enregistrement, de l’edit (j’entends par là le découpage des bandes etc…), a été le prof de guitare de Mickael Karoli RIP. Voilà, que dire de plus ? Il y a trois tubes dedans, et c’est le disque qui m’a donné envie de me plonger dans l’histoire du rock choucroute… Des passages entiers ont étés pompés par Sonic Youth dans A Thousand Leaves.
Caldara – A Moog Mass
Pour une fois, un disque fait au moog ne sonne pas moog. On n’est pas la redite du Switch on Bach de Walter Carlos qui a ouvert la voix à toute une série de disques plus chiants les uns que les autres. Ici, c’est une messe fantasmée, chantée au vocoder, donc non il n’y a pas de Notre père ou de La Paix du Christ dedans (même si ça aurait été pas mal), mais plutôt des morceaux à l’orchestration épurée qui ne sonnent pas du tout kitschos aujourd’hui. C’est un disque sur lequel je reviens très souvent. Sa pochette est magnifique, elle représente un buste de Jésus avec une couronne non pas d’épines mais de résistance. Il confirme tout le bien que je pense de la musique dite religieuse, car elle favorise le recueillement, la concentration, l’introspection, et d’une certaine façon le voyage de l’esprit.
Terry Riley – In C
Le gourou de la musique minimaliste à son début. Si ce n’est pas pour moi celui que je préfère écouter, il est tout de même fondé sur un principe simple et surprenant : chaque musicien (un très grand nombre, mais ça peut changer selon les éditions) dispose de plusieurs thèmes ultra simplistes, et il choisit celui qu’il veut et le joue quand bon lui semble et à la vitesse qu’il veut. Par essence, chaque édition (si on parle de disque) sonne différemment, chaque performance est unique car elle est dépendante du bon vouloir des personnes qui l’exécute. CQFD, Bravo Mr Riley.
The KLF – Chill Out
Collage Dadaïste et visionnaire, leur chef d’œuvre, où comment faire co-exister Elvis avec Fleetwood Mac, un train, des moutons, de la steel guitare, une TR808 et un synthé Oberheim. Voilà, le sampler est né, et au lieu de sampler James Brown, ils ont su échantillonner leur quotidien.
KLF sont des génies : lisez leur bio et vous comprendrez. Pour moi ils sont plus que Deux, ils sont Dieux !