Fer de lance de la scène nantaise, Romain Lallement nous revient en duo sous le nom de LenParrot et réalise d’emblée un coup de maître: un voyage synthétique en terres arides qui prend aux tripes et au coeur.
LenParrot. Si ce nom vous rappelle quelquechose, il faut aller le chercher du côté de Baxter Dury sur son album Len Parrot’s Memorial Lift, premier album éponyme du dandy anglais. C’est sur ce modèle de délicatesse et de mélancolie feutrée que s’est construit le projet solo du nantais Romain Lallement, après l’aventure de Rhum for Pauline et quelques tournées en tant que claviériste de Pégase.
La référence à Baxter Dury nous met en tout cas sur la bonne voie: il est question ici de groove minimaliste mais élégant, de voix de crooner magnifique et d’autant plus mise en valeur que l’orchestration est limitée à son plus simple appareil: des synthés lancinants et une rythmique discrète, jouant avec habileté avec le chaud et le froid.
Devant tant de beauté et d’audace, il fallait forcément l’aide d’un label audacieux et porté sur l’esthétique, Atelier Ciseaux sera l’heureux élu, ajoutant à son tableau de chasse (TOPS, Ela Orleans, Francis Lung, Police des Moeurs) un de ses plus beaux fleurons.
Flirtant insidieusement avec le r’n’b à la manière du duo londonien Honne, Romain Lallement nous emmène dans un road trip glacé où l’on ne sait plus trop différencier le rêve de la réalité, comme ces deux amants qui se disputent en voiture dans la vidéo du titre les yeux en cavale. On pense à la citation de Susan Sontag: « Je ne cherchais pas à ce que mes rêves interprètent ma vie, mais à ce que ma vie les interprète ».
La musique de LenParrot serait la bande son d’un rêve éveillé, toujours sur le fil du rasoir, donnant l’impression que l’on va se réveiller d’un moment à l’autre, sans savoir si la réalité se montrera plus belle et plus accueillante. On retrouve cette dualité dans les visuels illustrant les différents titres du nantais, avec le travail signé par le collectif A Deux Doigts, véritable prolongement de la musique de LenParrot.
Principalement inspiré par des films et des souvenirs personnels pour composer sa musique, LenParrot maintient sans faillir tout au long de ses cinq titres, un fil ténu entre romantisme et noirceur, créant une ambiance tout aussi envoûtante qu’inquiétante, rappelant l’univers singulier d’un David Lynch et d’Angelo Badalamenti.
Gena, qui clôt magistralement ce premier EP, ne nous en apprendra pas plus sur les énigmes découvertes dans les titres précédents, nous laissant dans un état de manque immédiat, impuissants et réduits à attendre une suite qui n’aura d’autre choix que d’être aussi belle et vénéneuse. Message reçu Romain?
Julien ADANS
LenParrot – Aquoibonism
Label: Atelier Ciseaux
Sortie: 5 mai 2015