Marin arrive à Brest pour y rencontrer un bouquiniste qui posséderait un manuscrit inédit de Pierre Mac Orlan, l’auteur du célèbre Le quai des brumes. Bientôt, il se retrouve en cavale dans la nuit brestoise, traqué par la police, cherchant à reconstituer les morceaux d’un puzzle diabolique.
Si l’œuvre de Pierre Mac Orlan a déjà été traitée en BD ou au cinéma, c’est la première fois qu’une histoire originale nous plonge dans son monde sans se contenter de reprendre le fil d’un de ses récits. Cette Nuit Mac Orlan, que nous content Arnaud Le Gouëfflec et Briac, est prétexte à de multiples références à son univers. Dans une mise en abîme au cœur de la bibliothèque du poète, peintre, parolier et romancier, les deux auteurs lui rendent un bel hommage, évoquant des lieux (la lanterne, les ports avec leurs marins et leurs filles avenantes) et des thèmes (les aventures chimériques et nocturnes, les chasses au trésor) qui lui sont chers.
L’intrigue se construit sur un jeu de piste ayant pour quête la preuve de l’innocence d’un étudiant accusé du meurtre d’un libraire avec lequel il avait rendez-vous. Le jeune Marin tente de reconstituer le puzzle des événements qui l’ont mené à Brest pour compléter sa thèse sur Pierre Mac Orlan avant de se retrouver nu, inconscient et dépossédé de tous ses bagages. Uniquement équipé d’une étrange carte qui l’entraîne dans une cavale au cœur de rues brumeuses et oppressantes à la recherche d’indices, il nous embarque dans son errance où s’éveillent, sur son passage, des spectres surréalistes et marginaux tout droit sortis de l’imaginaire de Pierre Mac Orlan tels que le grotesque commissaire de police Bourrel tyrannisant la ville, Teuz le peintre bohème ou encore la ténébreuse Marguerite. Chacun d’eux finissant par s’évaporer au fur et à mesure du déroulement de l’intrigue de façon aussi incongrue qu’ils sont apparus. Les auteurs nous livrent une enquête troublante et saisissante qui évolue dans une atmosphère opprimante, sous une pluie battante et l’obscurité d’une nuit sans fin.
Briac connaît bien ces paysages brestois et son style atypique contribue à magnifier ce projet loin des formats classiques de la bande dessinée. D’un trait noir et épais, servi par des tons sombres et des couleurs vives, il donne vie à ce récit en recréant une ambiance angoissante et tourmentée, mais aussi haletante et poétique.
Fortement inspiré par le style expressionniste, il offre ici, à chaque case, de magnifiques toiles, réalisées à l’encre et à la peinture acrylique, que l’on découvre ne serait-ce que pour le plaisir des yeux. Derrière son coup de pinceau, Briac laisse résonner les chansons si poignantes de Pierre Mac Orlan.
Ce polar dessiné est une belle réponse à celui qui disait dans son Petit manuel du parfait aventurier : « L’aventure n’existe pas. Elle est dans l’esprit de celui qui la poursuit, et dès qu’il peut la toucher du doigt, elle s’évanouit pour renaître bien plus loin, sous une autre forme, aux limites de l’imagination ».
Simon Baert
La nuit Mac Orlan
Scénario : Arnaud Le Gouëfflec
Dessin : Briac
Éditeur : Sixto Éditions
53 pages – 15,90€
Date de sortie : 13 mai 2014