Réécoutant encore et encore le dernier album de TV on the radio, paru cet hiver, je lui trouve à chaque écoute plus d’efficacité et de saveur pour les oreilles.
Ce n’était pas gagné tout de suite au moment de sa parution, tant j’avoue que ma déception était sans doute à la (dé)mesure des mes attentes, lors du premier passage de ladite galette dans mon lecteur.
Au fil des écoutes j’ai du me rendre à l’évidence: oui ce nouvel album de TV on The radio est bien un des tout bons albums rock parus ces derniers mois, oui du genre d’album facile et futile en apparence, mais oui il est aussi de ce genre d’albums qui se crée une place entre mes oreilles à force de susciter l’envie d’y revenir, malgré la moue boudeuse d’enfant gâté que je lui réservais au début.
Un nouvel album de TOTR déjà ce n’était pas une évidence au moment de sa composition, quand on sait que le groupe a bien failli raccrocher les gants alors que Gerard Smith , le bassiste, et détenteur du secret du « son » des new yorkais aux côtés de Sitek et Adebimpe venait d’être emporté par une maladie fulgurante du cerveau, juste après la sortie du précédent album Nine types of light. Beaucoup de formations jettent le gant quand le sort s’acharne sur elles. Chez TV on the radio, c’est le malade lui même qui a désiré que le groupe continue avec ou sans lui. Et le groupe y arrive, 4 ans plus tard, mais en arpentant d’autres chemins, parallèles à ceux tracés par le groupe sur ses premiers albums et jusqu’à Dear Science. Passons là ce qui est de l’ordre désormais de la « légende » du groupe, puisque du côté de la musique, les plus grands drames ne font pas forcément des disques indispensables loin s’en faut, quand bien même ils donnent du grain à moudre pour les critiques.
Et c’est d’ailleurs à cette conclusion que je m’apprêtais à me rendre: « TOTR c’était mieux avant », si je n’avais pas poussé plus loin mon investigation, mû par le retour inlassable autant qu’improbable dans mes oreilles du cinquième album d’un des groupes que je tenais encore il y a peu pour un des plus inventifs de ces quinze dernières années, mais qui me semblait ici perdre ses attaches historiques plus encore que sur un nine types of light que je trouvais déjà moins inspiré.
Alors pourquoi ce disque s’en revient hanter de temps à autres ma playliste nomade?
En fait je me suis rendu compte que j’en voulais au groupe. Oui. Que ce que j’attendais de TV on the radio n’était pas seulement un bon album rock que seeds se propose de me donner, non. J’attendais plus que ça. Et je le faisais payer à seeds, de ne pas y trouver de nouvelles expérimentations, de nouveaux territoires à explorer…. Mais oh garçon, tu en connais vraiment beaucoup des groupes qui abordent le 5e album avec encore en magasin une boussole et une carte muette?
La signature de TVOTR pour moi c’était les arrangements chelous, le son malmené, des contre rythmes, des bidouilles qui dérangent, portés par de bonnes mélodies. Et effectivement, ces ingrédients là, amples et étranges à la fois on ne les trouve pas sur le simili mélancolique mais nerveux Seeds. Du moins pas autant, ou seulement quelques-uns comme pour saupoudrer le disque, mais pas d’en faire l’aliment pricipal. En fait, on ne le retrouvait déjà pas vraiment non plus sur Nine types of light, premier essai du groupe pour atteindre un public plus large que les seuls indice kids fans de la recherche post psyché punk du groupe ubercool de Brooklyn. Et à dire vraiment vrai seeds se défend mieux à l’exercice d’ouverture, que son prédécesseur.
Parce que pour goûter à Seeds, il faut parler de « maturité ». Le mot qui fait mal quand un critique parle d’album, parce que c’est souvent synonyme fumeux de chiant. Chez TVOTR non, on ne dira pas chiant, mais il est vrai que la maturité s’exprime en pratiquant sa séance d’analyse psychiatrique abandonnant certaines des recherches sonores et rythmiques plus extrêmes qui ont fait le sel des premiers albums. Mais sans jamais non plus tomber dans l’album lisse comme une fesse, marketté pour enflammer les stades ou les soirées rock de lycée. Non. La maturité chez TVOTR c’est se poser et se dire: « OK si on veut toucher un public plus large on peut peut-être se mettre à essayer d’autres issues, plutôt que celles de diluer nos élements constitutifs historiques. Si on arrive pas a se faire à ce virage à 90°, effectivement on perçoit Seeds comme je l’ai fait à la première écoute: sans saveur ou décevant mes espoirs.
Alors pourquoi ce boudiou de disque s’en revient quand même hanter de temps à autres ma playliste nomade?
Si on parvient à faire fi de l’histoire et de la chronologie personnelle du groupe, on se rend compte qu’on est désormais devant un groupe qui cherche à ouvrir son audience originelle, pour ratisser plus large sans galvauder son histoire personnelle en la tronquant ou en l’affadissant. Cette pêche au chalut est une pêche raisonnée qui ne perd pourtant pas son âme au passage, pas plus qu’elle ne râcle les fonds marins.
La constituant bruitiste du son de TVOTR, noise, rock, est préservé. Mieux, le groupe concentre son essai sur la structure mélodique autour de ce son particulier mélangé parfois à quelques éléments soul ou funk. Seeds est moins un nouveau chapitre expérimental du groupe, qu’un album de pop-rock réussi, composé de chansons calibrées pour rentrer dans les ciboulots et les playlistes de collège radio. Le format est resserré autour du couplet refrain couplet refrain, et les élucubrations sonores quasi absentes.
A une forme de psychédélisme du son façon 70’s, TVOTR préfère ici convoquer l’héritage du post punk, grosse guitare distordue en tête, comme chez Sugar, Sebadoh oú même le dirty de Sonic Youth et le premier Weezer. C’est efficace. Assez en tous cas, pour faire en sorte que Seeds glisse comme de la confiture pour les oreilles, à mon corps de critique défendant . Une confiture faite de fruits moins exotiques que son histoire le laissait supposer, mais une confiture fort agréable à déguster, quand on la compare aux autres albums pop rock qu’il m’est donné d’écouter en ce moment. C’est la conclusion que m’apporte le passage du temps. Seeds est un bon album pop rock, mais pas forcément l’album de TOTR que j’espérais.
S’il advient que le groupe continue de croiser cette voie, j’espère juste qu’ils arriveront à y distiller plus d’éléments soniques qui ont fait jadis leur excellence rock, et le mixant à des mélodies auxquelles ils ne manque encore ce petit pas grand chose, pour aller titiller les standards hauts du genre. Loin d’être la bouse que certains blogs se plaisent à dépeindre, Seeds est effectivement très éloigné de la démarche originelle du groupe survivant, et à mille lieues de l’album que j’espérais écouter pour TOTR. Reste à savoir si on est prêt à les suivre dans le pivotage, s’il se perpétue dans la durée. Avec Seeds, je me prends au jeu. En sera-t-il de même pour le suivant?
Denis Verloes
TV On The Radio – Seeds
Label : Capitol / Universal
Date de sortie: novembre 2014