Entre deuil et groove, Thundercat livre un mini-album gorgé de funk introspectif et languissant et nous dévoile une métaphysique qui interroge plus qu’elle ne donne de réponse.
Herbie Hancock, Flying Lotus, le saxophoniste Kamasi Washington, le pianiste de jazz Denis Hamm ou encore le multi-instrumentiste Miguel Atwood-Ferguson. Le casting du nouveau projet de Stephen Bruner alias Thundecat, intitulé The Beyond / Where The Giants Roam est impressionnant. Il faut dire que le jeune bassiste virtuose a déjà roulé sa bosse et collaboré avec des artistes tels que Kendrick Lamar (sur l’album To Pimp a Butterfly), Taylor McFerrin, Erykah Badu ou justement Flying Lotus.
Composé de six titres, son mini-album paru chez Brainfeeder, qui fait suite à The Golden Age of Apocalypse en 2011 et à Apocalypse en 2013, est un disque intime, voire habité, qui invite ses auditeurs au recueillement et à la méditation. De sa voix douce et diaphane, Thundercat invoque l’absence et le deuil suite à la disparition d’un ami (son collaborateur Austin Peralta) et porte un regard sur le cycle de la vie et notre vulnérabilité.
Après un titre d’ouverture, tout en retenue, qui annonce immédiatement la couleur (Hard Times), Thundercat évoque le deuil et l’au-delà avec Song for the Dead, sur un rythme funk lancinant marqué par son indéfectible basse. Suit Them Changes, point culminant de l’album, à la rythmique directement inspirée par le Footsteps in The Dark des Isley Brothers (ce même morceau qui fût lui-même samplé sur Today was a good day d’Ice Cube), au groove implacable à nouveau porté par la virtuosité de l’artiste à la basse. Ses paroles se font alors de plus en plus sombres: « I’ve been traveling so long, I don’t think I can hold on. Where were you when I needed you the most? Now I’m sitting here with a black hole in my chest. A heartless, broken mess« .
La contribution prestigieuse d’Herbie Hancock aux claviers sur Lone Wolf and Cub paraît presque anodine face à la démonstration de basse que nous offre Thundercat à la fin du morceau. Les paroles macabres présentes tout au long de l’album sont comme neutralisée par la musicalité des titres qui apportent par leur force une lumière presque inespérée. C’est peut-être pour cela que la paix semble retrouvée sur le titre de clôture, Where The Giants Roam, comme si Thundercat avait réussi à regagner quelquechose, un instant de clarté, la perte cédant sa place à une lente reconstruction, où les voix de l’au-delà se font entendre. La rémission est proche. Reste un abîme d’interrogations qui restent sans réponse.
Julien Adans
Thundercat – The Beyond / Where The Giants Roam
Label : Brainfeeder
Sortie: 22 juin 2015