Straight Outta Compton n’est pas seulement l’histoire d’un groupe fascinant, mais également un vibrant hommage à toute une ville.
Il va sans dire que Straight Outta Compton était sans nul doute le film que j’attendais le plus ces derniers mois puisque je considère le disque homonyme comme le plus grand album « west coast hip hop » jamais sorti et même l’un des meilleurs de l’histoire du rap.
Alors certes, on pourra faire la fine bouche sur le fait qu’il y a peu d’éléments cinématographiques et qu’il ne marquera certainement l’histoire du 7éme art. Qu’il s’agit d’un biopic parfois peu fidèle à la réalité et évitant soigneusement de froisser les membres de N.W.A. (pour rappel, il a été produit par Dr. Dre, Ice Cube et la veuve d’Eazy-E). Qu’il omet sciemment le côté sombre du groupe (l’exemple parfait étant cette question d’une journaliste qui demande à Cube ce qu’il faisait de l’argent amassé, ce dernier répond « des panoplies des Raiders et des friseurs pour cheveux » et c’est tout, on gratte à peine la surface). Cependant, il y a quelque chose qu’on ne peut clairement pas lui enlever et que je ne trouve pas dans la plupart de ces biopics musicaux atteints de classicisme académique aiguë, c’est qu’il soit jouissif, divertissant, léger et drôle. C’est simple, en 2h30 (!), je n’ai pas vu le temps passé, j’ai pris mon pied et je ne me suis pas ennuyé un seul instant.
De « Jam-Master Jay » de Run-DMC à « C.R.E.A.M. » du Wu-Tang Clan, le film se focalise primordialement sur Dr. Dre, Ice Cube (les deux étant présentés comme des élèves modèles, des perfectionnistes, ce qui n’est pas totalement faux, l’un est quand même un producteur génial quant à l’autre, il est sûrement l’un des meilleurs MC’s et lyricist de l’histoire du rap) et Eazy-E qui est la caution « street credibility » puis qu’ancien dealer devenu rappeur par « accident », benêt cool au destin tragique et floué par Jerry Heller (Paul Giamatti qui semble être habitué aux rôles de managers sans scrupule après avoir incarné Eugene Landy dans Love and Mercy). Quant à MC Ren et DJ Yella pauvres d’eux, ils n’ont au final que des rôles de faire-valoir. Découpé en deux parties, la première s’intéresse à l’ascension du groupe et la deuxième sur la trajectoire de leurs carrières solo. Ce qui est plutôt cocasse, c’est que j’ai regardé « CB4 » (1993), film comique parodique sur N.W.A. avec Chris Rock il y a quelques mois et certaines scènes s’inspirant de faits réels par rapport au groupe étaient étrangement ressemblantes.
Ce qui m’a particulièrement intéressé, c’est la genèse et la légende autour de « Fuck tha Police », écrit suite aux contrôles incessants des autorités à l’encontre des membres du groupe pour cause de délits de faciès et dont le point culminant reste ce concert à Détroit où N.W.A. défie la police en le jouant alors que l’on leur avait interdit de le faire ce qui s’ensuit une arrestation houleuse et des émeutes de la part du public à l’égard des forces de l’ordre (la vérité étant moins impressionnante). Ce titre se voulant être un témoignage empli de rage de cette époque, symbolisé par la tristement célèbre affaire Rodney King, sorte d’hymne rébellion punk (N.W.A. étant certainement plus rock ‘n’ roll que ceux qui prétendent en jouer) pour une communauté afro-américaine se sentant oppressée et acte fondateur pour toute une génération de rappeurs naissants que l’on voit défiler durant le film (The D.O.C., Warren G, Snoop Dogg, Tupac, Bone Thug, Death Row, etc…) et dont l’héritage est encore perpétué aujourd’hui par le génial Kendrick Lamar – également originaire de Compton – qui se persuade que « tout ira bien », car près d’un quart de siècle plus tard rien n’a vraiment changé, les récents drames de Trayvon Martin et Michael Brown sont là malheureusement pour nous le rappeler…
Daniel Yeang
N.W.A – Straight Outta Compton
Genre : Biopic, Drame, Musical
Film Américain réalisé par F. Gary Gray
Avec : O’Shea Jackson Jr., Corey Hawkins, Jason Mitchell
Durée : 2h27min
Date de sortie : 16 septembre 2015