Le narrateur, un jeune étudiant parisien de 23 ans, voyage à travers l’Italie sur les traces de Pasolini. Un itinéraire initiatique qui sera l’occasion de rencontres avec des proches du grand homme disparu en 1975.
Le livre s’ouvre sur le lieu où se déroula la dernière étape de la vie de Pasolini. Le narrateur découvre Ostie, cette petite station balnéaire proche de Rome, là où quelques 40 ans plus tôt, Pasolini fut assassiné dans des conditions horribles et pas encore entièrement élucidées, entre meurtre politique et rencontre sexuelle qui aurait très mal tourné… Ostie est lugubre, plombée, comme si cet endroit portait encore les stigmates de ce crime odieux.
Puis Pierre Adrian reprend la narration de ce voyage par son point de départ. Tout d’abord le Frioul, au Nord de l’Italie, contrées désertiques, sévères, pauvres, où Pasolini enfant puis adolescent grandira à l’écoute du monde populaire qui l’entoure, de ses spécificités régionales et linguistiques. Il s’y éveillera à la politique et à la sexualité. Son homosexualité lui vaudra d’ailleurs de fuir cette région, suite à des scandales… Il s’installera à Rome avec sa mère.
Le narrateur s’y rend après quelques étapes importantes qui seront l’occasion de rencontres capitales avec d’autres acteurs de la mémoire Pasolinienne… Loin des clichés de la ville éternelle, Rome est racontée dans ces recoins obscurs, ces quartiers cosmopolites où l’écrivain et metteur en scène vécu par nécessité et par goût. En marge, toujours à la marge…
Alors pourquoi un jeune étudiant français voue en ce début de 21ème siècle un véritable culte à l’intellectuel italien sur lequel on a tout dit, tout écrit, le pire et le meilleur… La réponse, est peut-être dans ce voyage…
Pierre Adrian a choisi délibérément Pasolini comme maître à penser. Il était peut-être temps de comprendre… Il planifie ce « road trip » qu’il veut initiatique, qui se déroulera en suivant le parcours de vie de Pasolini, du Frioul natal à Rome. Il rencontrera quelques témoins qui ont approché de près le « maître », (même si ce dernier à toujours été très accessible, proche des gens, « au milieu d’eux ») à un moment de sa vie. Au-delà de ces aspects documentaires, il humera, ressentira, écoutera les ambiances des lieux traversés, pour constater, presqu’avec sensualité, ce qu’il demeure de l’influence Pasolinienne dans l’Italie d’aujourd’hui.
Le jeune homme constate alors l’ampleur de l’envergure visionnaire de l’artiste, dont les prévisions les plus catastrophistes sont devenues aujourd’hui des réalités terrifiantes, dans cette Italie, comme ailleurs. Mais la poésie, la beauté, la simplicité sont toujours là, au fil des scènes et des tableaux bien vivants que le narrateur dépeint, étayés par des extraits de textes de Pasolini.
C’est le premier livre de Pierre Adrian et l’on appréciera d’emblée sa maitrise narrative. S’il nous entraîne à sa suite sur des chemins de traverse, loin des axes touristiques, ce journal de bord, tour à tour sombre, lumineux, pessimiste, mais toujours résolument intelligent, apporte un éclairage nouveau sur la personnalité de Pasolini, avec une fraicheur et une authenticité régénérante !
Hugues Demeusy
La piste Pasolini
Roman de Pierre Adrian
Éditions des Équateurs
187 pages – 14 euros
Parution : 1er octobre 2015