Howl, le troisième album de Rival Consoles est un monument personnel et vivant à la musique électronique.
Erased Tapes est un des labels les plus en vogue de ces dernières années. Les albums de Nils Frahm, jeune pianiste talentueux, ou le duo A Winged Victory for the Sullen, ont attiré l’attention et s’inscrivent dans un registre qualifié de « modern classic ». Si l’on peut se demander si derrière ce genre un peu opaque ne se cache pas beaucoup d’air, il n’en reste pas moins que chaque sortie de la maison londonienne est étudiée méticuleusement tant son potentiel est de grande qualité. S’agissant du troisième album de Rival Consoles, l’attente est énorme suite à un EP magnifique sorti cette année, Sonne, malheureusement trop court.
Rival Consoles, de son vrai nom Ryan Lee West, est un peu à part dans le paysage musical du label, ses productions tendant plus vers de l’electronica pure et simple (au sens le plus élogieux). On pourrait facilement l’imaginer signé sur Ghostly International, à côté d’un Gold Panda, ou sur Border Community, où James Holden l’accueillerait à bras ouverts. Cependant, ce troisième album lui permet de démontrer qu’il n’est pas un simple artiste de musique électronique. Rival Consoles est un paysagiste.
Dès les premiers instants d’écoute du morceau éponyme, on entre dans une forêt de sonorités particulièrement travaillées. Chaque son fourmille de détails qui attirent l’attention et est une occasion pour l’artiste de démontrer un savoir-faire prodigieux à insuffler de la vie et une personnalité à ses sons électroniques. Et pendant que l’auditeur cherche à décortiquer les moindres aspérités d’un élément, c’est tout une clairière auditive qui se déploie continuellement aux alentours, presque à son insu. L’évolutivité de la scène musicale est constante, associant un réel sens de la mélodie, du fil conducteur musical, à une richesse dans les détails. Le tout dans l’harmonie la plus pure.
Cette élaboration d’une scène aussi vivante et foisonnante pourrait nous faire craindre une indigestion presque inévitable. Mais sur Howl, Rival Consoles ne travaille sur chaque piste qu’avec 3 ou 4 éléments tout au plus, réussissant à créer son environnement en ne jouant que sur les rythmes et les détails. Ainsi, chaque morceau est composé de mouvements, à l’image d’un concerto classique, et ne se répète jamais. On est alors à même de se réjouir à loisir de cette flore musicale au sein d’un espace aéré, propice à l’écoute et à l’égarement.
L’écoute de Howl est un exercice des plus intéressants, qui tend soit vers l’ésotérisme le plus poussé ou vers un plaisir sensoriel immédiat. Les connaisseurs se délecteront de la vitalité d’un bouquet de sonorités tout en sachant observer l’évolutivité du paysage, là où les plus novices se laisseront porter dans un univers riche au point de ne plus écouter, comme l’on peut se perdre en marchant. La beauté de cette scène auditive est telle que, quelle que soit la manière dont on ait parcouru cette forêt, la prochaine escapade sera l’occasion de découvrir de nouveaux aspects de cet univers vivant et hautement personnel. Si Rival Consoles est à l’origine de la fondation du label Erased Tapes, c’est pour une simple et bonne raison : il est un chef d’orchestre unique, un Geppetto de la musique électronique. Howl est son Pinocchio.
Christian Framezelle
Rival Consoles – Howl
Label: Erased Tapes
Sortie : 16 octobre 2015