Comme dirait la publicité : 15 ans d’existence feront toujours la différence et Puts Marie arrive aujourd’hui à livrer une musique étonnamment maitrisée qui en appelle autant au Velvet Underground qu’à Otis Redding. Impossible ? Pas Suisse !
Ils sont étonnants ces Puts Marie, vrais bêtes de scènes, arrivant à trouver sur disque des accents inédits dans la grande famille du rock. On les compare souvent à dEUS, (on pourrait rajouter Ghinzu, si l’on veut rester en Belgique) peut-être car Puts Marie, comme le groupe d’Anvers, ose. Et dans un grand écart audacieux, il peut aisément passer de l’artillerie lourde (Mobs kisses ou Sugar Run, sa batterie et son mur de guitares) à la frappe chirurgicale (Tell Her to come on home, petite friandise sixties à l’orgue farfisa ou The Batthouse et sa rythmique virevoltant). Une vraie main de fer dans un gant de velours. Et parfois le contraire…
La référence s’arrête là ou presque, car le groupe de Bienne – en Suisse Alémanique, pour les férus de géographie – a su cultiver son petit jardin secret, sa propre personnalité. Avec eux, il faut revoir l’idée que l’on se fait de l’underground et du rock indé. Déjà, il y a bien ce côté cabaret décadent qui, bien que partagé par d’autres (Nick Cave and the bad seeds, pour n’en citer qu’un), révèle toujours un groupe à la personnalité complexe aimant autant la composition, les arrangements chiadés, les interprétations incarnées que les ambiances changeantes (A quantum of sun, Mobs Kisses).
Mais, et c’est là, une caractéristique plus originale, il faut aussi envisager de trouver derrière ce décor une bonne dose de soul. Oui, de soul ! Cet esprit, encore plus que genre musical, qui voit ses interprètes et musiciens s’épancher dans une sentimentalité jamais niaise et indécente. Comme un Otis Redding arrivant à faire parler son cœur dans une tenue et dignité incomparable (Orbituaries). Il y a un peu de ça chez Puts Marie : comme le lâché prise d’un rock débraillé qui serait repris en main avec finesse et chic et qui oserait exprimer sa sensibilité profonde. On peut parler de soul, mais plus généralement de rock tendance black. Sur Pornstar, le musique s’embarque dans un groove électrique qui aurait enchanté Jimi Hendrix. Sur ce morceau d’ailleurs, Max Usata, chanteur polymorphe à forte personnalité, commence dans un couplet hip hop, preuve que sa palette est encore bien plus large. Il chanterait Strange Fruit, on n’en serait pas étonnés (étonnamment the bathhouse s’en rapproche). Il ferait un duo avec Tom Waits, non plus. Un Putain de groupe en vérité !
Denis Zorgniotti
Puts Marie – Masoch I-II
Label / Distributeur : Yotanka / Differ-ant
Date de sortie : 9 octobre 2015