Avec Vertigone, Arman Méliès propose un résumé de tous ses albums précédents tout en ajoutant un nouvel étage à la pyramide. Un disque populaire, exigeant et surtout très incandescent.
Il y a du Dominique A. chez Arman Méliès. La comparaison a bien sûr ses limites (stylistiquement, on peut trouver autant de point de convergences que de divergences) mais elle a tendance à s’expliquer aussi sur la durée, quand on commence à penser plus en termes de discographie et de trajectoires que de simples disques. Comme Dominique A., Arman Méliès cherche, essaye et donne chaque fois une couleur un peu différente à ses albums. Le dernier surtout, AM IV pouvait marquer une vrai étape dans la carrière du chanteur. Un disque « différent » pouvant être rapproché du diptyque de son ainé la Matière/la Musique ; les deux artistes ayant choisi de passer par la case « synthés » pour redonner une nouvelle jeunesse à leur musique. Sur Vertigone, c’est un sax ténor qui entre pleinement dans l’univers d’Arman Méliès ; là où une section cuivre avait apporté la touche d’originalité sur la tournée 2007 de Dominique A.
Sur Vertigone le sax est tenu par Adrien Daoud qui, par sa large palette de jeu, prend aussi bien prendre la place pourtant dévolue à une guitare électrique (A deux pas du barrage), amener un esprit free dans un disque aux strates complexes et toujours maitrisée (Vertigone). Ou par ses soli, l’instrument à vent termine de rendre incandescente une musique qui n’en demandait pas tant (Tessa, Olympe, Mercure). Et justement, prenant des allures d’album concept où musique et paroles semblent suivre un fil brulant, tous les textes de Vertigone tournent autour du feu. Il n’y a pas de mystères, Arman Méliès, aidé par des nouveaux musiciens (Antoine Kerminon à la batterie, Pierre-Loup Basset et Yannick Top à la basse) a visiblement pensé à tout.
Plus que le « disque saxophone » d’Arman Méliès (ce qui serait un peu court), Vertigone est surtout l’album le plus complet de son auteur et le parfait résumé d’une carrière entamée il y a plus de 20 ans. Comment ne pas voir dans cette voix nouvellement forcée, un lointain rappel des débuts d’Arman Méliès, alors Jean Fiévé et il était membre des hardcore Prorata Temporis. Preuve aussi que le chanteur n’a pas peur se lâcher en sortant un peu plus de ses gonds. Mais plus près de nous et pour rester exclusivement sur la planète Méliès, on retrouve dans Vertigone à la fois l’amour que le Français porte pour Ennio Morricone, version western (les chevaux du Vent fou) ou non (le Volcan, même), que son intérêt certain pour la new wave. Les synthés ne sont ainsi pas exclus de cette vraie fête musicale ; normal pour celui qui avait repris avec brio Amoureux solitaires d’Elie et Jacno (Mercure, le morceau 80’s du disque). Et comme les guitares n’ont jamais été aussi fortes et bouleversantes, on atteint effectivement des sommets (Olympe ou le Volcan, même, entre Cure et Morricone, remplaçant Silvouplay – sur AM IV – dans le rôle du morceau de bravoure du disque).
Il est vraiment fort, cet Arman Méliès, arrivant à rendre parfaitement « fréquentable » (et c’est un euphémisme) un morceau à la composition de prime abord facile (Fort Everest). On les reconnait ça les grands : arriver à transcender les titres moyens et Arman Méliès est visiblement doté de ce pouvoir d’alchimiste. Et puis, ne transigeant pas entre chanson française et esprit rock, Arman Méliès arrive aussi à allier « populaire » et « exigence », à l’image même du single Constamment, je brule. Un peu comme Dominique A. – encore lui ! – de plus en plus accessible, sans brader pourtant une once de sa personnalité. Arman Méliès est de cette trempe, avec cette même stature de leader dans la famille » rock indé made in France ».
Denis Zorgniotti
Arman Méliès – Vertigone
Label / Distributeur : At(h)ome / Wagram
date de sortie : 23 octobre 2015