Toujours séduisante, souvent irrésistible et même parfois émouvante, l’électro-pop de Sheraf à son meilleur.
On croit l’oublier et il revient toujours. Lui, c’est Raphaël Campana alias Sheraf, deux albums, deux EPs en 15 ans remarqués dans les milieux indés autorisés. Voici donc Third Coming, dernière livraison du Normand, six ans après le précédent No Gatecrasher.
Il existe un mystère Sheraf. Met-il tant de temps à sortir un album car sa musique le requiert ? La finesse musicale fait que l’on se pose quand même la question…Ou paye-t-il tout simplement son statut d’indépendant (qui nous priverait dès lors d’avoir plus d’albums à écouter) ? On se plait à rêver alors que le Français ne soit pas né au Havre mais à Berlin ou Cologne, là où le label Morr Music l’aurait pris sur son aile et en aurait fait l’égal de Lali Puna, Masha Qrella, The Go Find ou The Notwist. Pas encore Rihanna, mais déjà nettement plus connu.
Des regrets encore plus grands après l’écoute enjouée de Third Coming, peut-être le meilleur de Sheraf à ce jour. Ce disque contient en effet une série de pépites aptes à devenir des tubes en puissance (Don’t ask me more, Another track ou I felt no pain le titre le plus Notwist du disque). Nous sommes vraiment dans de « l’électro-pop » au sens strict. Une écriture ciselée qui se sert de l’électronique pour mettre sur orbite ses bonnes mélodies. Toutes les chansons pourraient d’ailleurs être jouées guitare-voix ; elles adopteraient alors la patte Kings of Convenience (My Blue eyed boy) ou Belle and Sebastian. Mais ainsi produites, elles entrent dans une nouvelle dimension, une manière de les vivre plus intensément sans pourtant renier leur caractère mélancolique et la présence fondatrice justement de cette fameuse guitare acoustique.
Sheraf a parfaitement intégré le psychédélisme cosmique, la dream pop, la new wave et même le shoegazing (Don’t ask for more et son petit côté Lush produit par Robin Guthrie). Tout comme l’électronica voire l’electro-clash. Une musique qui n’hésite pas à accumuler les strates, mélangeant énergie solaire et vague à l’âme lunaire. Il en tire une musique toujours séduisante, souvent irrésistible et même parfois émouvante (Sinking like a stone, en mode Cure Désintégration). Carton plein. On en redemande, en espérant que Sheraf devienne à l’avenir plus prolifique.
Denis Zorgniotti
Sheraf – The Third Coming
Label / Distributeur : Microcultures / Differ-ant
Date de sortie : 3 novembre 2015